Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Jérôme Attal - Petit éloge des chats

Ma pile à livres commence à prendre des allures de temple. Je n'ai pas compté le nombre de livres que je me suis promis de lire, mais il dépasse très certainement la centaine. Je me retrouve désormais au coeur de ce fameux problème de classe élémentaire où une baignoire se remplit tout en se vidant un peu au fur et à mesure. Mes activités actuelles me laissent relativement peu de temps pour lire et je m'en désole, mais ce matin, je n'ai pas résisté au plaisir de me plonger dans le dernier livre de Jérôme Attal en date: Petit éloge des chats, sorti aux éditions Les Pérégrines mi-septembre 2023. C'est que j'aime beaucoup retrouver cette plume à la fois légère et poétique d'un auteur aux talents multiples qui sort un livre comme les Beatles sortaient un album, c'est-à-dire deux fois par an. Et depuis le temps que j'entends parler de la sortie imminente de ce livre, j'étais devenu un peu impatient. C'est ainsi que ce petit éloge est venu griller la priorité des autres ouvrages de ma pile, et j'espère qu'ils ne m'en tiendront pas rigueur.

Lors d'une conversation que j'avais eue avec lui en préparation de cet entretienJérôme Attal m'avait dit que de son point de vue, les chats sont des êtres des rebords, en équilibre entre l'intérieur et l'extérieur, qui s'épanouissent dans les marges de la civilisation humaine. De ce point de vue, et si l'on fait abstraction de la souplesse et de la grâce, je peux assez bien m'identifier à cette espèce. Alors je m'y suis plongé et je l'ai lu en une traite.

Ce qui distingue l'écriture poétique de la prose standard, c'est le décalage, le regard de côté, la distorsion, la capacité à zoomer sur un détail pour en relever l'importance, ou encore la propension à établir des liens de similitude entre plusieurs sujets qui de prime abord apparaissent comme bien différents. Cette liste n'est pas exhaustive évidemment, mais elle constitue une partie de ce qui fait le plaisir de lire Jérôme Attal, un écrivain qui arpente un chemin de vie en pointillés qui le mène, de petit éloge en petit éloge, des baisers aux caresses, à mi-chemin entre la proximité et la distance, entre l'extimité et le mystère, dans un "Fuis-moi, je te suis, suis-moi, je te fuis" assez typiquement félin. Un rapport au monde dans lequel je me retrouve assez bien.

Alors oui, il est question de chats dans ce petit éloge où l'on voyage, dans l'espace et dans la temporalité, dans la culture pop et dans l'extime. On passe de la boule de poils ronronnante au félidé affidé des sorcières, de Tom et Jerry à l'Egypte, de l'univers de Harry Potter à la rivalité chienne et chatte de McCartney et Lennon. Souvent les chats ont suscité une forme de désir ou de rejet, rarement de l'indifférence. Et en matière de félins, les enfants sont prolixes. Lorsque je pose la question aux miens de ce qu'est un chat pour eux, ils me répondent avec enthousiasme que "les chats sont mignons, ils griffent parfois, ils adorent jouer avec les balles et les pelotes de laine, ils sont très intelligents, très câlins et ils aiment beaucoup grimper. Ils dorment la moitié de la journée et aiment beaucoup explorer dehors." La définition est étrangement bien plus complète que pour n'importe quel autre animal du bestiaire de l'enfance. Le lien avec les chats est affectif dès la petite enfance. Il est question de chats, certes, mais c'est un truc d'écrivain pour mieux mettre en avant le charme et l'élégance de la félinité quand elle se manifeste chez l'humain.

Alors même que je ne partage plus ma vie avec le moindre chat depuis deux ans, Petit éloge des chats m'a fait ressentir une nostalgie passagère de ces moments de complicité et de douceur incroyable qui peuvent naître avec ces animaux très libres le reste du temps. Peut-être est-ce d'ailleurs ce qui fait la valeur de ces moments partagés avec eux. Les chats sont, dans le règne du vivant, ce qui se fait de plus proche des petits d'homme. Notre mission en tant que parents est de les aider à devenir autonomes, nous sommes fiers d'eux quand ils réalisent des choses par eux-mêmes, et nous rions avec bienveillance de leurs bêtises et de leurs maladresses. Mais nous adorons secrètement les câlins qu'ils peuvent nous accorder et nous les regrettons quand ils sont grands. Je crois qu'en fin de compte, si l'on aime autant les chats, c'est parce qu'ils incarnent notre enfance disparue, ou étouffée sous nos frusques d'adultes fatigués de jouer aux grandes personnes. Et aussi parce qu'ils personnifient notre indépendance échangée contre quelques plats de lentilles dans nos contrats d'usure avec la société de consommation. Non seulement, les chats ne portent pas de chaînes, mais ils ont intelligemment inversé la relation maître-esclave qui définit souvent les rapports entre l'humain et le vivant.

Bref, c'est encore un petit éloge de Jérôme Attal que je fais. Alors, rendez-vous chez vos libraires pour vous plonger dans Petit éloge des chats et tant pis pour la pile à livres !

Jérôme Attal - Petit éloge des chats
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article