Gérard Dupeyrat - Revenu de la mort

Les expériences de mort imminente sont souvent des expériences transformatrices en profondeur. Le chirurgien maxillo-facial, stomatologue et fondateur de la Clinique du Sourire, Gérard Dupeyrat, nouveau venu dans le paysage français des EMI, peut en témoigner, lui qui n'en revient pas d'être revenu d'une mort pratiquement incontournable. Le 20 janvier 2020, suite à une dissection de l'aorte (une crise cardiaque bien plus létale qu'un infarctus) heureusement survenue sur son lieu de travail, ce spécialiste de la reconstruction du visage et du sourire, va être opéré pendant huit heures en arrêt circulatoire et hypothermie, avec une perfusion cérébrale, une opération qui rappelle celle de la chanteuse Pamela Reynolds. Et c'est alors qu'il va vivre une première expérience de mort imminente.

A peine est-il en chirurgie qu'il réalise qu'il observe la scène depuis un point proche du plafond, notamment les gestes précis des chirurgiens occupés à le réparer? Mais cela ne dure qu'un instant. Très rapidement, il est aspiré dans un tunnel, comme au milieu d'un océan en mouvement, et accède petit-à-petit à des niveaux lumineux. A son tour, cette lumière blanche devient de l'amour pur, et s'enrichit d'une musique de carillons. Puis trois défunts apparaissent qu'il reconnaît, son grand-père Gaspard, son père, et Lucie, sa grand-mère. Il se plonge alors dans les yeux de Gaspard, et c'est comme un écran où se déposent les images du film de sa vie. Il réalise alors que le bien qu'il a fait aux autres est la plus belle des récompense: "faire le bien ou donner de l'amour constitue une force protectrice et fondatrice". Puis Gaspard lui dit qu'il doit partir, et Gérard Dupeyrat se retrouve projeté dans son corps dans lequel il s'enfile comme dans une combinaison de plongée. S'ensuivent alors des semaines de récupération et de rééducation dont il ne conserve que très peu de souvenirs, mais l'expérience, elle, reste. Indélébile et profonde. 

Après une opération qui est un succès et une survie qui relève du miracle en partie réalisé grâce à l'intelligence artificielle, ce médecin féru d'arts martiaux, à qui tout a souri dans la vie mais qui a vécu dans le mouvement perpétuel doit apprendre à être sans agir. L'opération a nécessité l'ouverture de la cage thoracique et les séquelles sont très douloureuses, la cicatrisation très longue. Gérard Dupeyrat doit réapprendre les gestes les plus simples qui vont l'amener à pouvoir marcher de nouveau pour retrouver l'autonomie à pas de fourmi. Car il lui faudra deux ans pour être en capacité d'exercer de nouveau son métier.

Une crise cardiaque violente et brutale, une réanimation de justesse, un miracle médical, le tout suivi d'un coma artificiel d'une semaine, et d'une lente et difficile rééducation, cette histoire me rappelle beaucoup celle décrite à la première personne par Emmanuelle de Boysson dans Un coup au coeur. Là aussi, l'auteur prend conscience qu'il y a peut-être quelque chose au-delà de la matière, que la conscience peut connaître des états désincarnés et s'opère alors un profond changement. "Peu à peu, je vais prendre conscience que rien ne sera plus comme avant. Tout va changer: mon rapport à la nature, au vivant, à l'existence, à la société, au travail, au sport, à la nourriture et surtout, mon rapport aux défunts avec lesquels je suis resté en communication." Une authentique renaissance pour quelqu'un qui d'une certaine manière avait été au bout des expériences que la matière a à proposer comme le montrent les chapitres de flash-backs qui illustrent la vie d'avant de l'auteur. Une nouvelle vie dans laquelle la médiumnité tient désormais un rôle important, ce qui n'est vraiment pas banal venant d'un chirurgien aguerri !

"Ecrivant cela, je m'expose à une gamme de critiques, du doute à la raillerie en passant par le scepticisme. Mais, c'est ma réalité et j'ai assez de certitude pour la soutenir." Ce livre est un témoignage supplémentaire - s'il en était besoin - du potentiel transformateur des expériences de mort imminente, notamment pour ce qui concerne le regard sur le monde, et le pas de recul que bien souvent elles entraînent avec la volonté de faire du bien commun une priorité. Dans le climat de tension grandissante qui règne en ce moment, c'est sans doute un genre de lecture qui se fait nécessaire parce qu'elle ramène aux fondamentaux: l'amour de l'autre, la bienveillance, et la volonté de ne pas alimenter les haines ordinaires qui prennent leurs racines dans la peur. Certaines EMI nous donnent ainsi la force de nous concentrer sur nos propres chantiers de vie dans l'optique de rendre le monde meilleur sans prendre ombrage des qu'en-dira-t-on. Pour autant, il devrait être  possible de prendre conscience de cela sans devoir frôler la mort, simplement en lisant ces témoignages. Ce que je vous invite à faire.

Revenu de la mort, publié en mars 2024 aux éditions Lazare et Capucine, est un livre qui se lit vite et qui rejoint donc ma petite armée de papier au service de l'amour universel.