26 Juin 2024
Tel un entomologiste, Jean-Marc Bernad collectionne depuis le décès de ses parents ce qu’il interprète comme des preuves de signes de leur part. Et ces myriades de photos de petits coeurs et de papillons épinglés au grand album de souvenirs, classés par famille et par classe, soigneusement contextualisés, constituent un ouvrage assez unique en son genre. Dans Signes et synchronicités - Au-delà des espérances, chacun de ces signes est décrit avec l'histoire de sa survenance, et c’est important pour saisir ce qui se joue, car pris isolément et hors contexte, chacun d’entre eux pourrait facilement être balayé du revers de la main en raison d'une certaine insignifiance. Mais pour Jean-Marc Bernad, il n’y a aucun doute, chacun de ces signes est porteur du sens nécessaire au moment où il apparaît et génère son lot de larmes de joie. Pour lui, ce sont authentiquement ses parents décédés à trois mois d’intervalle qui s'expriment par leur biais.
Me concernant, bien que croyant assez à la possibilité de cette sémiotique post mortem, j’y vois pourtant autre chose: un besoin de croire coûte que coûte, de se rassurer. Cette impression me vient du fait que beaucoup des éléments supposément probants me semblent relever de la paréidolie qui a cette capacité de mettre en lumière le biais humain de confirmation qui pourrait être résumé dans la sentence: « Je vois ce que je crois ». Le livre répertorie plus de 400 signes relevés et documentés qui ne constitueraient que la moitié de ce qui a été reçu par l'auteur selon ses propres dires ! Cette accumulation dont je ressens qu'elle a pour vocation de convaincre les lect.rices.eurs de la réalité du phénomène, provoque précisément chez moi l’effet contraire. Jean-Marc Bernad voit un coeur ou un papillon dans un vêtement tombé au sol, dans une flaque d’eau, dans la forme d’une feuille, ou plus classiquement dans celle d’un nuage. Avec les photos fournies, chacun est libre de constater que ces interprétations sont parfois vraiment tirées par les cheveux (voir ci-dessous des pierres en forme de coeur).
Tout en comprenant le sens de la démarche et en respectant le travail accompli qui est sans aucun doute énorme, je me dis qu’il faudra autre chose pour convaincre les scientifiques et les personnes plus sceptiques. J'ai moi-même vécu des synchronicités et ce que j'interprète comme des signes, mais de façon bien plus rare, et surtout ceux-ci ont été suivis de changements importants dans ma vie. Je suppose que chacun place le curseur de la pertinence où il veut ou peut, mais pour ma part, il me faut bien plus qu'une feuille ou qu'un nuage qui a vaguement la forme d'un coeur, ou encore des initiales des prénoms de mes enfants sur une plaque d'immatriculation, pour me convaincre de la réalité d'un tel phénomène. Et surtout, je ne vis pas dans l'attente d'un signe, de sorte que quand ils surviennent, il y a quelque chose de l'ordre de l'évidence qui les accompagne. Peut-être ai-je tort, qui sait ? Pour l'auteur, "ce à quoi nous n'aurions jamais accordé la moindre importance, nous le faisons dès qu'il s'agit d'un signe." Mais pour moi, trop de signes tuent le signe.
Cela étant, tout n'est pas que paréidolies dans ce livre. Quelques coïncidences bien plus impactantes et troublantes (peut-être une dizaine) sont décrites. Et j'ai le sentiment que le livre aurait largement gagné en crédibilité s'il n'avait été question que de ceux-ci. Malheureusement, la seule chose dont je ressors convaincu à la sortie de ce livre, c’est de la volonté farouche de l'auteur - qui se décrit pourtant comme sceptique - de croire à tout prix.