Patricia Darré - Le templier m'a dit

Le templier m'a dit de Patricia Darré débute sur un rêve qu'elle fait au printemps 2020, en plein confinement et en plein processus d'écriture (Mes rendez-vous avec Walter Höffer). Ce rêve met en scène Jacques de Molay, le dernier grand maître de l'ordre des chevaliers du Temple, brûlé vif en 1314 sur ordre du roi de France de l'époque. Ce personnage onirique lui dit: "Toi qui cherches des fleurs, tu planteras un rosier blanc, à gauche de ta porte d'entrée et un rosier rouge, à droite. Ainsi tu joindras devoir et sacrifice." Un rêve un peu mystérieux, incongru qui à la fois la marque et l'amuse, mais dont elle n'a pas l'intention de faire particulièrement grand cas.

A l'automne de cette même année 2020, lors d'une séance de dédicaces à Besançon, un homme se présente brièvement en lui disant qu'il est l'organisateur de la soirée et dépose une enveloppe devant elle avant de s'éclipser. Dans la lettre, il laisse ses coordonnées téléphoniques, et l'informe qu'il est en contact avec des guides d'une autre dimension, que l'un d'entre eux n'est autre que Jacques de Molay, et que c'est à leur demande qu'il souhaite entrer en contact avec elle parce qu'"un entretien avec [elle] serait très profitable pour l'avenir de l'humanité par les informations [qu'elle serait] susceptible de communiquer." Aussitôt Patricia Darré le rappelle pour lui faire part de son propre rêve. Cet homme, G. G.M., lui dit alors être membre de l'un des multiples ordres néotempliers, en l'occurrence, celui de Besançon.

Quelques temps plus tard, elle est interpelée dans la rue par une femme qui la reconnaît et qui l'invite plusieurs jours après à participer à une séance de transcommunication instrumentale. Lors de cette séance où elle convoque Jacques de Molay, une voix lui communique ce message: "Nous sommes dans le feu." En mai, elle reçoit une lettre à l'intention de G. G.M. qui l'avertit des croyances déviantes de certains membres de l'ordre et lui intime de faire le ménage, un avertissement qui s'avèrera fondé. De rencontre en rencontre, de synchronicité en synchronicité, Patricia Darré va se passionner pour cet ordre du Temple de Besançon jusqu'à en devenir membre à part entière après être passée par un rituel d'initiation où elle revit à la première personne, et en tant que Guillaume, une scène d'initiation d'une vie antérieure. En fin de compte, elle apprendra que les chevaliers brûlés se trouvent bloqués dans le bas astral et que sa mission est de les libérer.

L'histoire dénote un peu de ce que j'ai lu de Patricié Darré pour l'instant. Et en toute franchise, il y a dans ce livre plusieurs choses me dérangent. D'une part, je ne m'intéresse pas particulièrement aux histoires de templiers, sauf éventuellement à ce qui s'en dit dans les livres d'histoire (et évidemment dans les livres d'Umberto Eco). D'autre part, cette histoire de message de Jacques de Molay et de ses compagnons coincés dans le bas astral me semble peu crédible. C'est une impression, un ressenti. Au fond, qui suis-je pour juger de la crédibilité d'un tel ouvrage quand par ailleurs il existe une multitude de sujets aussi perchés auxquels je m'intéresse ? Quelque chose me semble relever de l'immodestie dans la démarche de ce livre écrit par une auteure qui laisse entendre qu'elle a libéré 500 chevaliers du bas astral. Je ne remets pas sa bonne foi en doute, et je veux bien la croire quand Patricia Darré commence son livre par "Ce récit relate une aventure que j'ai réellement vécue. Rien n'y est inventé et tout (ou presque y est consigné." Toutefois une autre chose me gêne: l'accumulation de détails historiques qui me semblent plus proches des personnages des Visiteurs que des contemporains de Philippe Le Bel. Après quelques vérifications - n'étant pas moi-même connaisseur de l'histoire des templiers - je me suis vite rendu compte qu'en effet, je ne suis pas le seul à l'avoir ressenti. Certaines autres personnes férues d'histoire (plus que d'histoires) n'ont pas manqué de relever des inexactitudes patentes, des clichés, des éléments tout droits sortis de livres apocryphes du XVIIIème siècle sur les Templiers et typiquement relayés par des néo-templiers en mal de sensations fortes et de secret d'initiés, mais peu scrupuleux sur la véracité des bases de leur foi.

Et une question qui me taraude depuis longtemps me revient de nouveau. En supposant que Patricia Darré reçoive effectivement des messages d'entités, pourquoi leur accorder plus de crédit qu'à des messages d'humains ? L'humain ment. Pourquoi des humains désincarnés ne mentiraient-ils pas ? J'ai dans ma famille l'exemple de mon père qui lorsqu'il était adolescent avait participé à une séance de spiritisme qui avait viré à une scène digne du film Poltergeist, avec une table qui traverse la pièce à toute vitesse et qui monte toute seule les escaliers. Malgré des phénomènes physiques indiscutables, l'entité qui se faisait passer pour Napoléon a donné des réponses aux questions posées dont l'essentiel s'est révélé complètement faux. Certains médiums se prétendent capables de discerner un message empreint de mensonge d'un autre empreint de vérité. Mais ici, il est manifeste que cette histoire n'a pas de fondations historiques très solides. Je me demande ce que Patricia Darré aurait à dire face à un historien spécialiste de cet ordre. Je me demande ce qu'Alexandre Adler aurait pensé de ce livre, lui qui louait ses talents dans L'invisible et la science. Les doutes l'emportant sur le récit, je préfère donc ne pas en recommander sa lecture, parce qu'il y a assez de bêtises sur le Web pour que j'y vienne rajouter les miennes.

Pour finir sur une note positive, Le templier m'a dit, publié chez Michel Lafon en 2022, a été écrit sur l'impulsion d'un rêve. Écrire un livre sur l'impulsion d'un rêve est un concept qui me plaît tout particulièrement, qui me parle. Pour moi qui ai lu beaucoup de livres sur le sujet des rêves et sur leur analyse, c'est un détail très significatif, parce qu'il se trouve que je fais régulièrement des rêves où j'entends des chansons complètes, avec clip vidéo, paroles et musique, et parfois même avec la partition dont j'ai l'occasion de vérifier, immédiatement après le réveil, guitare en main, qu'elle correspond bien à l'harmonie et à la tonalité. Au sortir de tels rêves, il m'est nécessaire de retranscrire ce dont je me rappelle et de réécrire les parties passées aux oubliettes avant de commencer ma journée. Ces rêves sont de purs cadeaux dont je me dis qu'il ne viennent pas de moi, mais au fond, qui sait vraiment ? Pour ma part, je trouve que leur simple existence en suggère long quant à notre conception de la réalité ou des capacités de notre cerveau et je trouve tout cela bien fascinant !