19 Août 2023
Après l'avoir découverte dans Mes rendez-vous avec Walter Höffer, je crois bien que je suis rentré de une phase d'intérêt pour la médium Patricia Darré. Me considérant globalement comme avec un pied dans la science et le factuel, et l'autre pied dans la porte de tout ce qui tombe sous l'étiquette du paranormal, j'ai été évidemment très attiré par un livre publié en 2014 chez Michel Lafon, dont le titre est littéralement un condensé de mes centres d'intérêt, L'invisible et la science.
Cet ouvrage est en fait constitué d'une série d'entretiens de Patricia Darré avec quatre experts d'un domaine académique (histoire, archéologie, psychologie et science physique). Dans ces échanges, il est question de la façon dont la médiumnité peut apporter des éléments d'information pour progresser dans la compréhension du monde ou d'un domaine précis. Ce livre est d'autant plus intéressant dans la conception qu'il est pour large partie le fruit d'une collaboration avec l'historien et expert en géopolitique Alexandre Adler (tout récemment décédé en juillet 2023), dont les liens avec le paranormal ne sont pas a priori évidents si l'on en juge par la bibliographie et les sujets qu'il a abordés tout au long de sa vie. J'aime bien découvrir que des personnes respectées dans le monde académique ont aussi une vision ouverte sur l'invisible dans leur intimité, ou expriment a minima une certaine curiosité à cet égard.
Le premier des interlocuteurs (et partie assez prenante de la conception de ce livre) est donc l'historien Alexandre Adler qui précise d'emblée que s'il croit volontiers à la capacité des humains de percevoir le passé par des biais paranormaux, il a beaucoup plus de mal avec la voyance "car elle résulte d'une conception trop déterministe de l'insertion de l'homme dans le monde." Dans ces dialogues, il est particulièrement question de points de détail. Patricia Darré prétend recevoir des messages ou des impressions de personnages historiques connus (Napoléon, Jeanne d'Arc, Jean Moulin, Pierre Brossolette) et le caractère contre-intuitif des informations qu'elle rapporte tend à apporter un certain crédit à la médium. Est contre-intuitif par exemple ce qui va à l'encontre du connu, ou ce qui montre une face sombre ou peu connue du personnage en question (comme le racisme absolument assumé de Napoléon), ou bien encore ce qui parle d'une normalité très éloignée des standards de notre époque (comme le fait de donner la mort à autrui pour des broutilles). Une discussion où l'on apprend au passage que les personnes décédées décident de l'apparence sous laquelle elles apparaissent aux gens capables de les percevoir, et qui rappelle ce qui se passent dans le contexte des visions de fin de vie ou des expériences de mort imminente. Alexandre Adler conclut cet entretien en disant que la médiumnité peut s'avérer un outil de compréhension complémentaire quand les historiens ne disposent pas d'éléments suffisants, ne serait-ce que parce qu'elle propose une vision alternative là où les historiens traditionnellement se fient à leur intuition ou à leur conviction personnelle pour compléter les vides.
A titre personnel, je me demande si avant son décès, Alexandre Adler, qui était très engagé auprès de la communauté juive de France, a pu lire Mes rendez-vous avec Walter Höffer. J'aurais en effet été très curieux de connaître son opinion sur cette (très belle) notion de pardon absolu, mise en avant dans ce livre. Je me demande également si Patricia Darré est d'une façon ou d'une autre rentrée en contact avec lui, ne serait-ce que pour savoir si sa vision très atlantiste du monde est restée inchangée de l'autre côté.
Puis vient le tour d'un archéologue qui préfère ne pas être reconnu et qui utilise le pseudonyme de François Leroy pour s'exprimer, parce qu'il considère que dans sa branche académique, sa position serait très mal perçue et qu'il en subirait une stigmatisation qu'il ne souhaite pas. Cet échange, à la différence des trois autres, consiste essentiellement en une expérimentation où l'archéologue fournit à Patricia Darré un sac en nylon contenant un fragment d'os qui va alors être décrit par des messages médiumniques. Cette façon de procéder s'appelle la psychométrie, qui consiste en l'acquisition supposée d'informations sur un objet chargé d'histoire de manière intuitive. Et à cet exercice, la médium s'en sort plutôt bien car soit ce qu'elle dit se révèle vrai, soit c'est invérifiable. Il est évident que n'étant pas placée dans le cadre d'un environnement contrôlé, de nombreux biais sont possibles et de ce fait, il ne s'agit pas d'une expérience à valeur scientifique. Néanmoins, il y a matière à creuser. Là aussi, les conclusions de l'archéologue vont dans le sens d'une valeur ajoutée des informations reçues en médiumnité: "... la médiumnité constitue un outil complémentaire et intéressant pour l'archéologie, en plus des outils classiques dont elle dispose. Cela mérite d'être testé et étudié." Et d'établir un parallèle pertinent avec ce qui se fait parfois aux Etats-Unis - et en France - avec des médiums dans le cadre d'enquêtes de police.
Luce Janin-Devillars est psychologue, psychanalyste, auteure, enseignante en université et en HEC, coach et cumule les diplômes universitaires. Son intérêt pour d'autres disciplines moins académiques comme la pleine conscience, la psychologie transpersonnelle, la psychogénéalogie ou encore le chamanisme fait parfaitement le pont avec l'univers de Patricia Darré (et n'est d'ailleurs pas sans rappeler le parcours de Christophe André, un auteur qui m'a beaucoup aidé à un moment de ma vie). Elle a rencontré beaucoup de personnes qui envisagent l'invisible simplement et banalement comme une "réalité élargie" et croit que "la médiumnité est prise dans ce réseau de sensations informatives qui traverse tout le monde, à condition d'y être attentif." Avec elle, le dialogue porte plutôt sur des questions de discernement: comment faire la différence entre un souci psychologique et un phénomène médiumnique dérangeant ? Comment déterminer si sa cause est intérieure ou extérieure ?
Enfin, Massimo Teodorani est diplômé d'astronomie et de physique stellaire. Il a publié en 2011 un livre intitulé "La physique de l'infini" qui parle de David Bohm. C'est un scientifique résolument ouvert et qui envisage que le monde ne se résume pas au modèle physique qui en est fait, et qui a été surpris en bien par une médiumnité de Patricia Darré concernant justement David Bohm.
Pour ma part, j'ai trouvé le livre intéressant, tant il est question de banaliser l'approche scientifique de phénomènes paranormaux, ce qui me semble assez sain. La science avance avec l'identification de faits qui semblent remettre en cause le paradigme existant, d'anomalies, et une fois les faits clairement établis, il devient alors nécessaire de comprendre pour élargir l'étendue de notre connaissance du monde. Si beaucoup de scientifiques s'opposent publiquement à l'étude des phénomènes de conscience qui semblent mettre en évidence la réalité de la médiumnité, ce n'est pas le cas de tous, et c'est au fond ce qui est important.