Christian Bobin - La plus que vive

S'il est une femme qui fut importante dans la vie de Christian Bobin, c'est celle qu'il appelle sa soeur de lait, Ghislaine Marion. Il la rencontre alors qu'il a 28 ans, qu'il est agoraphobe, vit chez ses parents, pratique le dénuement et est en quête spirituelle. Elle semble être tout le contraire, mordant la vie à pleines dents, maternelle archétypale vis-à-vis de ses trois enfants. Dès lors, il ne cessera de lui vouer une admiration sans bornes, l'observant tel un peintre son modèle, se laissant imprégner de ses rires et de ses larmes, voyageant à travers elle sur les flots agités de la vie et de la mort. Elle est sa muse incarnée, sa deuxième naissance, la source de la source. Pour lui qui vit la connexion religieuse au quotidien, elle est l'apparition mariale, la mère archétypale. Elle est l'amour ultime, celui qui ne peut être que platonique. Les premières années de son oeuvre publiée vibrent son omniprésence. Elle est l'inspiratrice de L'inespérée, de Le Très Bas, et évidemment de La part manquante.

Aussi, lorsqu'une rupture d'anévrisme la terrasse brusquement à l'âge de 44 ans, c'est un peu plus que ses trois enfants qu'elle laisse orphelins. Christian Bobin est anéanti et c'est dans l'écriture de La plus que vive qu'il va trouver la force de continuer. Même disparue, Ghislaine continuera de briller à la manière de ces étoiles éloignées dont on persiste à percevoir la lumière bien après leur extinction.

Ce  texte hommage est pour moi un authentique enchantement. Je retrouve cette poésie qui n'a rien de technique ou de formel, une poésie des mots simples qui filtre le réel pour n'en retenir que le Beau, qui ne donne pas envie d'analyser ou d'intellectualiser quoi que ce soit, qui invite à se laisser prendre par la main. Christian Bobin est un auteur qui se vit plus qu'il ne se lit, mais qui se relit plus qu'il ne se lit, comme tou.te.s les grand.e.s artistes. Et je me réjouis à l'idée de tout ce qu'il me reste à lire et à relire de lui, de tous ces joyaux d'idées et de fulgurances que je n'ai pas encore découverts.