Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Nicolas Clément - Sauf les fleurs

Nicolas Clément, agrégé de philosophie et enseignant en classes préparatoires, n'a pour l'heure écrit qu'un seul livre. Mais quel livre! Paru lors la rentrée littéraire de 2013, je ne découvre Sauf les fleurs que dix ans après sa sortie, à la faveur de sa recommandation par une auteure qui compte pour moi, Ingrid Thobois. Quand un livre est recommandé par une auteure de référence, ce n'est pas rien. Au-dessus ne trône plus qu'un temple grec, la trilogie d'Orestie d'Eschyle, qui se trouve être l'inspiration de ce livre et une référence pour son auteur.

L'histoire est en elle-même tristement banale. Dans le contexte d'une ferme, un père-ogre taiseux et ombrageux fait pleuvoir des orages de coups sur sa femme, enrobés de mépris pour une famille qu'il peine à supporter. "Il est notre langue étrangère, un mot, un poing, puis retour à la ligne jusqu'à la prochaine claque." D'épanouissement, il n'est a priori pas question dans cette atmosphère si délétère. À peine de réconfort, avec l'amour à la vie à la mort entre Marthe, sa fille aînée, et son petit frère Léonce, avec leur amour inconditionnel voué à cette maman para-tonnerre, avec ces animaux aussi dont la douce chaleur fait contrepoids aux ecchymoses. Il y a aussi cette voisine, Myriam, qui est une voix de secours. Mais Marthe est un lotus: poussant les pieds dans une boue, elle va se frayer un chemin à travers la violence paternelle et les insultes des autres enfants, pour fleurir à la grâce d'un livre en grec ancien qui incendiera une vocation: celle de traduire Eschyle afin d'enseigner.

Une rencontre aussi sera déterminante dans son parcours vers l'émancipation: Florent, un jeune homme qui, au plus fort des épreuves - quand la mère ne se relèvera pas d'une série de coups plus brutaux qu'à l'accoutumée - l'emmènera à Baltimore pour essayer de renaître à elle-même. Mais le poison coule dans son sang, silencieux, attendant son moment pour qu'explose l'animalité "ma peau redevient cuir" et qu'advienne la justice du talion, qui fera de Marthe une authentique héroïne eschylienne.

Question thématique et vibration poétique, on n'est pas loin de Le plancher de Jeannot d'Ingrid Thobois.

Sauf les fleurs est débordant de poésie. Les livres de la trempe de celui-ci m'amènent invariablement à me demander d'où surviennent de telles fulgurances. C'est une gageure d'autant plus que le lexique employé est volontairement simple et enfantin. Ce sont les phrases qui font mouche: "le premier qui se sauve gagne une maman", "je respire une enfance sur deux", ou encore "nous implorons l’avenir de bien vouloir nous accepter". Chaque chapitre est composé de paragraphes dont les fins sont à peu près toujours des uppercuts. Les fleurs dont il est question sont métaphoriques des petits bonheurs auxquels on peut s'accrocher dans l'adversité et sur lesquels se construit parfois la résilience. Des bouffées d'oxygène pour l'âme. Et Florent est la fleur ultime, qui aimera Marthe aussi fort avant et après la chute.

Sauf les fleurs est un petit livre que j'ai relu aussitôt l'avoir terminé, ce que je fais assez rarement. Pour en surligner de jaune les phrases qui me touchaient, ce que je ne fais jamais. C'est dire à quel point je voulais me contaminer de tant de beauté! C'est dire à quel point je le recommande! Nicolas Clément n'a plus rien publié depuis, mais si par hasard, il advenait qu'un nouvel opus voie le jour, je crois bien que je serais parmi les premier.ère.s lect.rices.eurs.

Oh! Et que j'ai aimé que ce livre se termine par "commence"!

Nicolas Clément - Sauf les fleurs
Partager cet article
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article