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Renaud Evrard - On m'a parfois comparé à un arbre

Je sors tout juste de la lecture de l'écobiographie de Jean-Marie Pelt, parue en août 2023 aux Editions de l'Université de Lorraine écrite par le psychologue clinicien Renaud Evrard - passionné entre autres choses d'écopsychologie - et intitulée On m'a parfois comparé à un arbre. Outre le fait que je suis authentiquement impressionné par la productivité de son auteur - pratique-t-il la psychographie ? - digne de celle d'Edgar Morin qui a ni plus ni moins écrit la préface, il s'agit là d'un défi supplémentaire pour lui: rédiger la biographie d'une personnalité qui ne situe pas a priori dans son coeur de compétences. Comme il le précise lui-même en tout début de l'ouvrage: "Rarement me suis-je senti aussi illégitime pour rédiger un livre." Mais, autant le dévoiler tout de go, cette biographie est une réussite ! Petite anecdote personnelle amusante, c'est par le plus grand des hasards que j'ai lu ce livre immédiatement après avoir terminé La vie secrète des arbres de Peter Wohlleben, et la continuité est flagrante, non seulement entre les deux ouvrages, mais surtout entre leurs auteurs. Je ne peux m'empêcher d'y voir une filiation. D'un autre côté, je veux bien reconnaître que j'ai la paréidolie facile.

S'agissant de Jean-Marie Pelt, qu'il n'a jamais rencontré, Renaud Evrard file la métaphore de l'arbre, s'appuyant sur une phrase que le célèbre biologiste (mais aussi botaniste, pharmacien, écologiste, homme politique, animateur radio, scénariste, auteur essayiste...) aimait dire à propos de lui-même. Un arbre aux racines plongées dans son enfance dans le village de Rodemack où il évolue dans le jardin de son grand-père qui a tous les atours de l'éden originel, rempoté dans l'Allier le temps d'une guerre mondiale, puis de nouveau rempoté dans sa terre natale empreinte de religion chrétienne. Un arbre dont la croissance sera renforcée par la science, et particulièrement les vertus médicinales des plantes qui l'amènent à voyager autour du monde, à l'instar de l'un ses maîtres, Pierre Teilhard de Chardin, afin d'y répertorier de nouvelles espèces. Un arbre qui à la suite d'une filiation très forte avec Robert Schuman, le père de l'Union Européenne, va développer des branches en politique suite à l'amitié sans faille qui le lie à Jean-Marie Rausch, le futur maire de Metz dont il est catapulté premier adjoint à son corps défendant et à qui il insufflera des idées de développement et d'écologie urbaine, qui fera gagner à la ville son étiquette de ville-jardin. Un arbre à l'écorce écologique quand il prend la direction de l'unité d'études et de recherches d'écologie de l'Université de Metz, ou quand il cofonde l'Institut européen d'écologie, ou quand il soutient dès sa parution le rapport du Club de Rome intitulé Les limites de la croissance, ou plus tard encore quand il alerte sur la 6ème extinction de masse des espèces et sur les différents dangers qui pèsent sur le vivant. Un arbre dont les fruits sont de médiation lorsqu'il vulgarise ses connaissances à l'attention du grand public pour le sensibiliser à l'intelligence du vivant, à travers les conférences qu'il donne infatigablement, à travers l'émission culte de 1982, puis de 1986, L'aventure des plantes, à travers les émissions sur France Inter et Radio Jerico qui font connaître sa voix dans la France entière. Un arbre dont la cime est la foi, une foi qui dépasse très largement le christianisme dont il est issu, et qui repose sur le constat infiniment écologique qu'il ne faut pas faire aux autres ce que l'on ne voudrait pas que les autres nous fassent, un constat qui permet de faire le pont entre science et religion. Et enfin, un arbre dont quelques feuilles sont mortes puisqu'il s'intéressait par ailleurs à l'astrologie, à l'homéopathie (et en particulier aux travaux de Jacques Benveniste), à la biodynamie et à la génodique, des disciplines qui ne sont pas soutenues par la science et pour lesquelles il a été la cible de diverses attaques.

Etudiant atypique, avec de gros problèmes psychomoteurs et de grosses difficultés en mathématiques et en sciences physiques, il serait sans doute qualifié aujourd'hui d'enfant dys et n'aurait peut-être pas pu accéder à la carrière exceptionnelle qu'il a connue. C'est justement ce caractère atypique qui fait la richesse de son parcours. D'une curiosité insatiable, mu par la passion dans les disciplines qui l'intéressent, n'oubliant jamais ses racines, c'est un professeur qui captive son audience par son éloquence et sa capacité à vulgariser (ce qui m'est d'ailleurs confirmé par une amie qui se trouve être l'une de ses anciennes élèves), c'est un homme de foi pour qui science et religion ne sont absolument pas incompatibles, c'est un homme politique dont les idées ont très largement contribué au renouveau de la ville de Metz, c'est un homme qui pense hors du cadre et qui pratique la transdisciplinarité comme il respire, suivant l'exemple de la nature où le tout est toujours supérieur à la somme des parties. On peut dire de lui qu'il est l'exemple typique du passeur clairvoyant.

Là où Jean-Marie Pelt se retrouve plus opportunément dans le champ de recherche de Renaud Evrard, c'est lorsqu'il vit plusieurs épiphanies très similaires aux expériences de mort imminente, tandis qu'il est au plus profond d'une dépression qui durera quatre années, où quand on lui annonce un anévrisme au cerveau qui nécessitera une opération lourde et une immobilisation de quatre mois, ou encore lorsqu'il frôle la mort dans un accident spectaculaire de voiture en 2012. Ces expériences lui permettent d'acquérir la certitude que la mort n'est pas la fin, et que la vie peut être vécue avec un autre regard, avec plus de recul, et surtout avec une conscience aiguë des valeurs de l'écologie et de l'amour pour le vivant.

Avant de lire On m'a parfois comparé à un arbre, je ne connaissais pas bien Jean-Marie Pelt. Je n'ai lu qu'un seul livre de lui. Il était avant tout pour moi une voix, celle de l'émission CO2 mon amour sur France Inter, où transpiraient sa bonté, son amour de la transmission et son érudition. Je suis très heureux de l'avoir découvert un peu mieux à travers la biographie qu'en a faite Renaud Evrard. Les géants d'aujourd'hui sont décidément bien posés sur les épaules des géants d'hier, des géants dont il fait très clairement partie.

Renaud Evrard - On m'a parfois comparé à un arbre
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