17 Juin 2023
Aurélien Barrau est de ces êtres qui réhabilitent l'espèce humaine. Doté d'un intellect hors du commun, voilà quelqu'un qui parle astrophysique et science-physique comme il respire, pour qui la physique quantique, la relativité et le modèle standard sont des trivialités. Mais au-delà de ces spécialités partagées avec d'autres scientifiques, il est aussi docteur en philosophie, poète, et très engagé pour la pérennisation du vivant sur notre petit vaisseau spatial que l'on appelle Terre. C'est un homme de l'équilibre. Donc un voyou nécessaire aux yeux des tenants de notre monde techno-industriel à bout de souffle, asphyxié par un capitalisme devenu métastatique et hors de contrôle. Après avoir suivi la voie de l'indignation avec Le plus grand défi de l'humanité, puis avec Il faut une révolution politique, poétique et philosophique, après s'être risqué à la poésie dans Météorites, le voici de retour en terres de science avec Anomalies cosmiques, paru chez Dunod en 2022.
Les anomalies m'intéressent depuis bien longtemps parce qu'elles sont les angles morts d'une carte que l'on prend bien trop souvent pour le territoire, un territoire qui se rappelle à travers elles à notre souvenir pour nous indiquer que toute théorie est incomplète. Ce blog que j'entretiens plus ou moins régulièrement fait la part belle aux anomalies, généralement et malheureusement refoulées dans les marges, ridiculisées quand elles remontent à la surface. La moquerie est un comportement de meute, concentré sur un point focal défini comme une forme d'altérité, une meute arc-boutée sur ce qu'elle tient pour vrai, semblant ignorer l'impermanence et la sécularité de la vérité. Or l'anomalie est l'altérité ultime puisqu'elle est le monstre, celle qui ne peut pas exister, celle qui par sa seule existence vient remettre en cause l'intégralité du paradigme. Elle fascine et fait peur à la fois.
Face à l'anomalie, plusieurs attitudes sont possibles: le déni, l'indifférence ou la prise en compte. Pour certain.e.s, l'anomalie est une menace qui justifie la moquerie ou le combat. Mais pour d'autres, les plus audacieux, elle est surtout l'opportunité de découvertes parfois faramineuses. Pour les scientifiques, elle est une aubaine. Là où d'aucuns considèrent la science comme une route vers plus de précision et de chiffres après la virgule, d'autres y voient la possibilité d'une disruption. C'est donc ce chemin que nous propose de suivre Aurélien Barrau, d'abord en montrant comment les révolutions scientifiques du XXème siècle sont immanquablement le fruit des anomalies, puis en nous montrant qu'il existe de nombreuses anfractuosités dans ce que l'on appelle le modèle standard qui ont chacune la possibilité de créer un big band fécond dans le domaine des connaissances.
Il y a la matière noire et l'énergie noire qui existent comme des variables d'ajustement, sinon le modèle standard ne tiendrait pas, mais qui restent rétives à toute observation et sont les signes avant-coureurs de la nécessité d'une nouvelle physique. Il y a ces constantes qui sont le résultats de mesures mais qui ne sont pas déterminées par le calcul, et dont les valeurs ont quelque chose à la fois d'arbitraire et de fondamental dans ce monde mathématique qui gouverne l'espace-temps. Une seule décimale de différence et l'univers ne peut plus exister. Quelles lois restent à découvrir pour en retirer le caractère hasardeux ? Et ces rayons cosmiques chargés d'une énergie qui ne peut pas être expliquée selon le modèle en cours ? D'où vient toute cette puissance ? Et cette asymétrie originelle entre matière et anti-matière ? Et les trous noirs qui forcent les lois de la relativité à côtoyer celles de la physique quantique ? Ces anomalies sont proprement vertigineuses en ce qu'elles impliquent. Notamment dans l'élaboration de modèles théoriques du réel qui ne sont plus limités à 3 dimensions spatiales et une dimension temporelle, mais à 9 ou 10, ou plus.
Pour ma part, au-delà de ces anomalies qui sont bien établies dans le monde de la recherche au sein de différentes disciplines de la physique, il y a d'autres anomalies qui me passionnent et qui concernent la nature de la conscience. Aurélien Barrau n'en parle pas et je le regrette un peu. Parce qu'elles aussi ont ce pouvoir potentiellement révolutionnaire de remettre en question la matérialité et d'ouvrir à la transcendance et de faire de l'infini un nombre comme les autres.
Je me suis donc senti chez moi à arpenter les chemins anomalistiques tracés par Aurélien Barrau. J'y ai retrouvé un peu de l'univers de Renaud Évrard, un chercheur que j'apprécie dans un tout autre domaine. Mais en attendant que le voile d'Isis se lève sur une nouvelle physique et sur une nouvelle vision de la conscience, je vais continuer de m'abreuver un peu chaque jour au flux de la poésie et à son potentiel séditieux. Car qu'est-ce que la poésie sinon un rapport au monde anomal et donc révolutionnaire et fécond à portée de langue ?
La science est toujours présentée à travers ses succès. La situation, pourtant, se révèle être un peu plus complexe. Littéralement parlant, toutes les théories sont fausses. Elles seront u...
https://www.dunod.com/sciences-techniques/anomalies-cosmiques-science-face-etrange