22 Juin 2022
L’art, la littérature, la poésie sont des armes de précision. Il va falloir les dégainer. Et n’avoir pas peur de ceux qui crieront au scandale et à la trahison.
S'il y a quelqu'un en ce moment dont on peut dire qu'il maîtrise les sens et l'essence des mots, c'est bien Aurélien Barrau. Auteur d'un essai écologiste Le plus grand défi de l'humanité publié en 2018 dans la foulée d'une pétition et qui avait marqué l'opinion, il persiste et signe avec le très court Il faut une révolution politique, poétique et philosophique. 31 pages seulement, mais l'auteur maniant les idées, les concepts et les mots avec une fluidité impressionnante, il s'agit réellement d'un concentré de philosophie et à ce titre, la vocation de cet ouvrage est d'être lu, relu, étudié et partagé. Car il ne s'agit évidemment pas d'une lecture de divertissement, mais bien d'un entretien profession de foi qui invite à une secousse nécessaire face aux urgences vitales qui menacent la vie terrestre.
Aurélien Barrau manie avec agilité les trois instruments qui provoquent la prise de conscience, et motivent à l'action: la science, la philosophie et la poésie.
Il y a bien évidemment la langue mathématique de l'approche scientifique qui met la réalité à nu jusqu'à l'os, et qui est ce que l'être humain a de mieux à proposer pour appréhender la vérité. C'est la science qui nous aide à dépasser les limites inhérentes à nos cinq sens et nos biais cognitifs qui déforment le réel. Ce sont les scientifiques qui nous font prendre conscience que le monde va très mal, que la sixième extinction massive des espèces est en cours, que nos enfants sont en danger, que les déséquilibres d'origines anthropiques généralisés ont poussé le système Terre équilibré aux limites de la croissance. Et qu'une courbe exponentielle qui tend vers l'infini ne cohabite pas sur le long terme avec un monde fini!
Prendre conscience est une chose, mais au-delà de la vertu soulageante de la compréhension qu'elle occasionne, la science seule n'est souvent pas suffisante pour inciter à l'action. C'est là qu'intervient la philosophie qui propose sur ces fondations scientifiques la construction de notions de bien et de mal. Loin des "vérités" révélées des livres religieux et des idéologies d'un seul homme, Aurélien Barrau compile et analyse les données qui sont notre meilleure modélisation du réel, pour rebâtir un édifice idéologique à partir des faits. En s'asseyant sur les épaules des géants qui nous ont précédés, il déconstruit l'économie, l'extrême droite, l'aliénation de la surconsommation, la quête à tout crin de la croissance qui n'est rien d'autre qu'une "éradication systématique de la vie sur Terre", le progrès assimilé à "la production délirante d'objets inutiles" pour proposer des changements vers un monde plus sain. Ce type de progrès est une maladie, ce type de croissance est "tumorale". Et Aurélien Barrau se joint aux scientifiques et ingénieurs du monde entier qui ne savent plus comment faire résonner plus fort encore le signal d'alarme avant que la nature elle-même s'en charge.
Forts de ce cette idéologie, il est désormais possible de mettre en place une politique en adéquation avec les besoins réels du monde. Parce que les actions individuelles - qui sont le plus souvent un moyen de contourner les actions politiques disposant de gros moyens financiers - ne suffisent plus. Le pragmatisme doit percoler jusqu'au plus haut niveau politique, au niveau national, mais surtout à l'international. Pour désamorcer la fuite en avant qui mène tout droit à la fin des civilisations humaines. Parce que les frontières sont artificielles, à peine des conventions, et que la physique, la chimie et la biologie se jouent des conventions humaines. Mais le chantier est tellement immense tandis qu'une grosse partie de l'humanité n'est pas prête à envisager de collaboration à l'échelle globale et à réaliser les changements qui s'imposent!
C'est enfin la poésie, force active au niveau des racines de la conscience, qu'Aurélien Barrau met en avant. "Le symbolique est un levier susceptible de transformer nos représentations du monde". L'art est une "machine de guerre totale contre l'univocité du sens." La poésie permet de "produire du réel" et à ce titre, est un vecteur de révolution des esprits, donc de révolution intérieure, de celles qui préparent à la révolution des pratiques.
Il faut une révolution politique, poétique et philosophique est une lecture absolument nécessaire, qui invite les lect.rices.eurs à adopter une vision systémique, où Aurélien Barrau est - il faut le souligner - admirablement servi en questions pertinentes par Carole Guilbaud. 31 pages, c'est une page de moins seulement que Indignez-vous! de Stéphane Hessel dans les sillons duquel il s'inscrit. Souhaitons à cet ouvrage un succès au moins équivalent, l'enjeu est colossal.
Il faut une révolution politique, poétique et philosophique - Zulma
Dans la lignée de la revue Apulée, engagée dans la défense indéfectible des libertés et attachée aux voix du monde, Les Apuléennes proposent des entretiens, essais et analyses en résonance...
https://www.zulma.fr/livre/il-faut-une-revolution-politique-poetique-et-philosophique/