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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Jean-Marc Jancovici, Christophe Blain - Un monde sans fin

Jean-Marc Jancovici est un ingénieur que je suis depuis plusieurs années à travers des interviews, des conférences, des podcasts, et dont j'ai lu plusieurs livres tant et si bien que je suis devenu assez familier de ses raisonnements, des images qu'il utilise, de son sens de l'humour et de sa manière d'aller droit au but. Sa grande force me paraît être très clairement cette liberté de ton qui sert d'écrin à des phrases très synthétiques sur des sujets qui peuvent sembler de prime abord plutôt rébarbatifs. Quel que soit le sujet abordé et pourvu que ça reste dans son champ de compétences (énergies et changement climatique), Jean-Marc Jancovici arrive à faire passer le message auprès d'un public de plus en plus large, et en particulier auprès des jeunes issus de cursus scientifiques, du rang desquels sortiront quelques-uns des décisionnaires de demain. Depuis une vingtaine d'années, il plante des graines de prise de conscience dans les cerveaux de plus en plus inquiets ou solastalgiques, pour y insuffler informations et méthodes, et contribuer à faire sortir son auditoire du flou qui fait traditionnellement le lit des doctrines, des dogmes et des idéologies inefficaces à traiter un problème. Jean-Marc Jancovici est un vulgarisateur qui incite au changement et à l'action.

Puisque le politicien interprète le monde à travers la grille de lecture des sciences économiques de plus en plus décorrélées des réalités du terrain, en perdant prise face aux enjeux à propos desquels il doit donner des arbitrages, il devient vital que des personnes compétentes issues de ce terrain se fassent lanceurs d'alerte, fassent le travail d'édification scientifique pour éduquer à leur échelle et contribuent à créer ou alimenter un mouvement vers plus de réalisme politique. Parce que la réalité est déjà suffisamment complexe quand on la connaît dans le détail, le flou et les biais cognitifs ne sont plus des options. Parce qu'une personne avertie en vaut deux, et même bien plus, il y a une possibilité même faible d'apporter de la disruption jusqu'au niveau politique. Parce que la règle de trois est désespérément efficace et qu'elle est très facilement compréhensible. Parce que quand il n'y en a plus, il n'y en a plus, contrairement à ce que prétend le slogan publicitaire. Parce qu'une opinion n'est pas porteuse d'autant de vérité qu'un fait. Parce que coïncidence, corrélation, et causalité ne sont pas les mêmes choses. Cette édification peut commencer dès le plus jeune âge. Jean-Marc Jancovici avait déjà fait un pas dans la direction du jeune public en 2009 et 2017 avec Le changement climatique expliqué à ma fille. Il remet ça avec Un monde sans fin, une bande dessinée co-écrite avec le dessinateur et scénariste Christophe Blain.

Cet ouvrage de presque 200 pages, qui aborde les questions épineuses du changement climatique d'origine anthropique, des sources d'énergie, des catastrophes humaines et écologiques qui nous attendent au tournant, ainsi que nos comportements toxiques que nous considérons comme normaux, est un succès de librairie. J'ai d'ailleurs eu toutes les peines du monde à me le procurer tant il est en rupture de stock à peu près partout (je remercie au passage l'amie qui a réussi à mettre la main dessus pour me l'offrir - elle se reconnaîtra).

Fruit d'une collaboration de deux ans entre les deux auteurs, tout a commencé lorsque Christophe Blain, qui est notamment le dessinateur des excellents Quai d'Orsay, a osé contacter le conférencier pour lui proposer ce projet. Non seulement il a reçu une réponse positive, mais Jean-Marc Jancovici s'est également fortement engagé en donnant notamment de son temps - et l'on sait que cette disponibilité est précieuse tant il s'agit d'une ressource rare chez lui. Dans Un monde sans fin, on retrouve présenté de façon humoristique, poétique, voire onirique, l'essentiel de son discours. C'est un authentique distillat de ses conférences auquel viennent se greffer des images percutantes et efficaces, donc marquantes.

Jean-Marc Jancovici, Christophe Blain - Un monde sans fin

Le format de la bande dessinée permet de toucher le lecteur autrement qu'avec un essai littéraire plus difficile d'accès, sans toutefois sacrifier le caractère informatif des contenus. C'est un plaisir de retrouver la patte de "Janco" dans les phrases qui lui sont attribuées, et son personnage est à la hauteur de ce qu'il dégage en tant que personne publique. De son côté, Christophe Blain incarne très bien le rôle du naïf de service qui pose toutes les questions que la plupart d'entre ceux qui découvrent Jean-Marc Jancovici se posent. A noter l'intervention d'un troisième personnage de poids en fin de livre: Sébastien Bohler, invité-surprise qui vient présenter les raisons probables du comportement destructeur de l'être humain sur la planète (dont j'ai également couvert les deux livres devenus références pour moi: Le bug humain, et Où est le sens ?).

Je me suis personnellement régalé à la lecture de Un monde sans fin. Quant à mon fils de neuf ans, il a lui aussi littéralement dévoré cette bande dessinée dont je me figurais qu'elle serait sans doute un peu trop complexe ou rébarbative pour lui. Et d'après les échanges que nous avons eus quand il a terminé sa lecture, il en a retenu l'essentiel, ce qui semble prouver que l'approche des deux auteurs fonctionne et que le message peut passer auprès de tous! 

Jean-Marc Jancovici, Christophe Blain - Un monde sans fin
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