Petite plongée dans l'univers des médiums au travers de la lecture du livre Le test du journaliste Stéphane Allix. Le paranormal est un sujet qui m'intéresse depuis l'enfance, mais que j'aborde d'un point de vue aussi scientifique ou journalistique que possible, tant les écueils et les pièges sont nombreux. Le domaine de la médiumnité en particulier regorge de charlatans, certains animés par de pures motivations financières, d'autres sous le coup d'une authentique bonne foi mais qui sont tout simplement incompétents. Ayant eu plusieurs années dans mon entourage un médium autoproclamé dont j'ai largement eu l'occasion de constater l'incompétence, le narcissisme et la propension à la manipulation, et connaissant les potentiels du mentalisme et de la lecture à froid, je suis de base très méfiant vis à vis de cette corporation. Par ailleurs, j'ai fait à titre personnel plusieurs expériences de vérification avec d'autres médiums et le moins que l'on puisse dire, c'est que ça n'a pas été convaincant. J'ai aussi participé à une séance de médiumnité en public à Nancy il y a quelques années, qui s'est avérée être une grosse blague (des généralités, des généralités et des généralités).
La médiumnité a ceci de particulier qu'elle met souvent en contact des personnes fragilisées par un décès qui ont beaucoup de mal à faire le deuil, avec des personnes qui offrent censément la possibilité d'un contact avec les disparus. Ou aussi des personnes terrorisées par l'idée de leur propre mort. Autant dire que c'est un creuset idéal pour la tromperie tant les protagonistes ont envie d'y croire.
La démarche de Stéphane Allix se veut journalistique, quasiment scientifique. Le protocole est simple. Lors de la mort de son père, Stéphane Allix s'est adressé à lui pour lui expliquer qu'il souhaitait enquêter sur les communications avec les disparus (ils en avaient déjà parlé avant), pour lui dire qu'il allait placer des objets dans son cercueil et pour lui demander de jouer le jeu depuis l'au-delà en donnant l'information sur ces objets aux médiums. Lui seul était au courant de cette expérience et encore plus de la nature des 5 objets (un pinceau, un tube de gouache, une boussole, un exemplaire du Désert des tartares et un mot dans une lettre qui disait "Je t'aime papa. Ton grand"). N'était le nombre de médiums testés qui n'est pas significatif statistiquement parlant, je trouve que c'est le genre d'expérience qui va dans le bon sens.
Et un an après la mort de son père, l'expérience a pu commencer auprès de 6 médiums qu'il connaissait préalablement et qui lui semblaient authentiquement doués. Le semblant de protocole impliquait de ne rien dire, de réagir au minimum pour que chaque médium puisse laisser libre cours à sa pratique sans influence. Globalement, on peut dire que les résultats du test sont plutôt très convaincants, même si aucun médium n'aura réussi à retrouver l'intégralité des objets.
L'important n'est pas le but, mais le chemin, nous dit la sagesse populaire. C'est le parti pris de ce livre qui alterne entre séances retranscrites au présent, histoire personnelle de chaque médium, et considérations sur la médiumnité et sa fragilité. Pour comprendre ce dernier point, on peut se figurer la volatilité d'un rêve après le réveil et toutes les difficultés à s'en rappeler aussitôt que la vie reprend son cours. L'auteur parle de passage d'information entre le cerveau droit intuitif et le cerveau gauche rationnel en disant que l'efficacité lors de ce processus est ce qui distingue un bon médium d'une personne lambda. Bien que cette séparation cerveau gauche/cerveau droit n'ait aucun fondement scientifique, je vois quand même bien l'idée. Un peu de stress ou d'émotionnel suffit à rompre la communication...
Connaissant le travail de Stéphane Allix au travers de ses émissions diffusées il y a 10 ans sur M6 et désormais disponibles sur le Web, au travers de son association (INREES) et de quelques interviews, il me semble que sa démarche est sincère. Du moins, je me reconnais très bien dans son approche et son ouverture d'esprit. Si je prenais le temps de le faire, je m'y prendrais de façon similaire, bien qu'avec des protocoles plus serrés pour laisser moins de place aux biais cognitifs. Car Stéphane Allix est convaincu de la véracité de ces phénomènes. Or, sans une bonne méthodologie, cette croyance est un risque énorme qui est pris vis à vis de la vérité.
L'ouvrage se démarque du reste de ce genre de productions par cette volonté d'objectivité et par sa dimension prospective, même si ça reste de l'ordre du témoignage et de l'anecdotique. Mais après tout, il s'agit de l'ouvrage d'un journaliste. Pour une étude scientifique plus approfondie du sujet, je recommanderais plutôt les travaux de Julie Beischel.