Geneviève Delpech - Les cadeaux de l'invisible

J'ai une tendance naturelle à me tenir un peu éloigné du spectaculaire, surtout en ce qui concerne les phénomènes inexpliqués. Quand cela est rapporté, mon premier réflexe est de penser que les anecdotes sont trop grosses pour être vraies et qu'il s'agit plus vraisemblablement de mythomanie avec l'objectif de gagner la reconnaissance d'un grand public. J'avais déjà vécu quelque chose de cet ordre dans le passé avec les livres de Jean-Claude Pantel, qui prétendait vivre des phénomènes extraordinaires au quotidien. Il s'était avéré après vérification que toute l'histoire était inventée, ce que j'avais trouvé bien décevant (mais c'était le prix de la leçon). L'histoire regorge de fraudes en tous genres ou de compromis avec la vérité, et il faut toujours garder cela à l'esprit, particulièrement quand on s'aventure en dehors des chemins balisés de la pensée. C'est pour cette raison que malgré une ouverture d'esprit que je revendique face au paranormal, du moment que l'approche qui en est faite reste rationnelle, journalistique ou scientifique, je place une ligne rouge que je franchis assez rarement. J'y fais parfois exception et c'est le cas avec Les cadeaux de l'invisible de Geneviève Delpech, publié en mars 2024 chez First Editions.

Plus qu'un livre, il s'agit d'une compilation d'anecdotes personnelles, cautionnées par des personnes ayant été témoins directs des phénomènes, comme Didier van Cauwelaert (un auteur que j'apprécie). Et ces phénomènes sont d'une nature assez particulière: ce sont pour l'essentiel ce que l'on appelle des apports dans la littérature spirite, c'est-à-dire des objets bien concrets qui apparaissent de nulle part, ou qui réapparaissent après avoir disparu pendant des années. Ces cas ont été souvent répertoriés dans le passé, à l'âge d'or des médiums à effets physiques notamment (voir l'excellent Enquête sur 150 ans de parapsychologie de Renaud Évrard ou encore les apports liés à la médium Jeanne Laval, aujourd'hui oubliée, qui fut pourtant étudiée en son temps par des scientifiques de renom dont Charles Richet, prix Nobel de médecine), mais ils se font désormais très rares. Les sceptiques posent l'hypothèse nécessaire que cette raréfaction des phénomènes est directement corrélée à l'amélioration des systèmes de contrôle de fraude. C'est sans doute vrai pour l'essentiel. Il n'en demeure par moins que des médiums comme le britannique Alexander Stewart continuent de vivre ce genre d'expériences attestées par des témoins dont des journalistes comme Leslie Kean (voir son livre Survivre à la mort). D'autres journalistes du paranormal comme l'italienne Paola Giovetti ont attesté avoir vécu l'apparition de pièces de monnaie sorties d'un mur de pierre pendant des séances de transcommunication instrumentale ou TCI (l'équivalent technologique du spiritisme). Et le véritable scepticisme est celui qui consiste à ne jamais cesser d'observer le territoire, quand bien même la carte serait réputée complète. Car même si elles sont rares, les anomalies sont toujours le signe avant-coureur de la possibilité d'une découverte.

Ainsi, Geneviève Delpech, qui pratique la peinture à l'huile raconte comment suite à une dispute avec l'un de ses amis, le parolier Francis Basset, pour qui elle avait peint une toile représentant des chevaux de course, elle a jeté la peinture au feu sous les yeux de cet ami et comment tous les deux l'ont observée en train de se consumer. D'après elle, cette toile serait réapparue dans son atelier le lendemain et les deux en témoignent. Un élément me pose cependant question parce que dans une interview qu'elle a donnée sur Nuréa TV où elle parle de cette même anecdote, les éléments temporels sont différents puisqu'il n'est plus question du retour du tableau le lendemain mais après une période plus longue. C'est un détail, mais pour moi, ce genre de détails comptent.

Plus on avance dans le livre, plus les anecdotes deviennent incroyables. Elle raconte s'être réveillée au milieu de la nuit, tandis qu'elle voyageait pour visiter le monument dédié à la vierge de Guadaloupe, recouverte de roses fraîchement arrachées, au parfum très agréable (une vidéo de cette nuit est disponible). Elle a ensuite regroupé ces roses dans une serviette qu'elle a ramenée en France. C'est ce qu'en son temps le berger témoin de l'apparition mariale a vécu aussi. Plus tard, une figure mariale s'est imprimée sur cette serviette (vidéo à l'appui) et des rayons seraient apparus progressivement devant témoins. Enfin, cette serviette aurait partiellement brûlé sans qu'aucune des roses n'ait été elle-même brûlée.

A une autre occasion, lors d'un voyage en Egypte en décembre 2009, elle aurait elle-même été témoin de l'apparition de la Vierge à l'église de Warraq. Une autre fois encore, elle se serait retrouvée physiquement plongée dans les années 1930, comme cela a été rapporté dans l'affaire connue sous le nom des fantômes du Trianon. Une autre fois, elle aurait été l'objet de bilocations. Enfin, il y a aussi cette pierre rapportée du tombeau du Christ qui fait différentes apparitions et disparitions, à des années d'intervalle.

Les faits rapportés sont exceptionnels, et il n'est d'autre possibilité que de croire les témoins sur parole. En réalité, une seule de ces anecdotes serait suffisante pour provoquer une enquête du Vatican pour validation par une commission spéciale d'un miracle en vue d'une béatification. Pour ma part, je n'ai pas d'avis sur la question, il m'est impossible de croire ou de rejeter ce qui est écrit sur la seule base de ce qui est rapporté. Je ne veux rien exclure par a priori, et il est important que chacun se fasse sa propre opinion, mais sans véritable travail d'enquête, aucune conclusion n'est réellement possible. En supposant que tout cela soit véridique, quel en serait alors le sens ? Geneviève Delpech ne sait elle-même pas dire pourquoi elle est l'objet de ces attentions spéciales de l'invisible, mais comme elle le dit: "Le vent souffle où il veut". Je dois bien admettre que malgré tout, ma curiosité a été attisée, et si un jour, par le plus grand des hasards, je venais à me réveiller en pleine nuit couvert de roses, nul doute que je lui en enverrais un plein bouquet !