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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Leslie Kean - Survivre à la mort

Leslie Kean est le genre de journaliste d'investigation que j'aime tout particulièrement. Elle incarne pour moi l'intégrité, l'humilité, la persévérance et l'ouverture. Elle est une petite fourmi qui travaille sans relâche et qui n'hésite pas à aller au contact des gens, de quelque rang que ce soit, du moment que cela sert la vérité et l'objectivité. Son approche est humaine et artisanale. Et pourtant, son impact est mondial ! Elle est notamment l'une des co-auteurs de l'article du New-York Times sur le black project du Pentagone en charge de l'étude des phénomènes aériens non-identifiés (PAN, anciennement OVNI), publié le 16 décembre 2017 et accompagné de trois vidéos authentifiées par la Navy qui montrent des ovnis filmés depuis des avions de chasse américains et qui ont depuis fait plusieurs fois le tour du monde. Cet article est le point de départ de révélations en chaîne qui ont fait que le sujet des ovnis est devenu absolument mainstream de l'autre côté de l'Atlantique. Depuis, plusieurs lois ont été votées au Congrès (notamment une loi de 2023 sur les lanceurs d'alerte ayant participé à des programmes secrets) et de nouvelles procédures militaires ont été mises en place pour signaler ce type de "rencontres". Une commission de travail spéciale All-domain Anomaly Resolution Office (AARO) a même été mise en place par le Congrès et le Pentagone est directement sommé de rendre des comptes sur le sujet. C'est une première depuis les années 60. Vous l'aurez compris, Leslie Kean, c'est du lourd !

Alors, quand Leslie Kean publie en 2017 un livre sur les phénomènes et expériences de conscience en lien avec la mort et le paranormal, je ne peux que me réjouir parce que je sais que cette thématique va être abordée avec le plus grand sérieux. Ce livre s'intitule dans sa traduction française Survivre à la mort. S'il est un sujet à la fois universel et compliqué à traiter du point de vue de la méthode scientifique, c'est bien celui de la mort. D'une part, il y a cette proximité avec le paranormal qui tient à distance nombre de chercheurs soucieux de leur image de sérieux. Comme dans le cadre de la recherche scientifique sur les ovnis, la stigmatisation dans le domaine est réelle. D'autre part, la mort ne se laisse pas approcher facilement. En 2023, elle est encore difficile à définir. C'est même une cible mouvante. Il semblerait qu'à chaque fois que l'on croit la toucher du doigt, elle s'esquive un peu plus loin. Fin janvier 2023, une étude scientifique menée par Sam Parnia annonçait que 60 minutes après la mort clinique, le cerveau humain enregistre encore une activité en termes d'ondes cérébrales qui est comparable à une forme de conscience !

Alors comment s'y prendre si ce n'est en allant interroger les chercheurs qui osent jouer leur carrière en s'engageant sur ces sables mouvants ? Dans une première partie, Leslie Kean traite du sujet des enfants qui ont des souvenirs de vies antérieures et qui sont étudiés à la Division of Perceptual Studies de l'Université de Virginie, là où officiait pratiquement jusqu'à sa mort le docteur Ian Stevenson, qui est la référence en la matière. Le psychiatre et professeur de psychiatrie Jim B. Tucker a depuis pris le relais. Plusieurs cas spectaculaires sont présentés, et il faut admettre que leurs récits sont particulièrement troublants. Il y a cet enfant qui, alors qu'il est à peine en mesure de parler, raconte être mort dans son avion Corsair abattu par les Japonais, et qui est capable de citer les noms de ses amis pilotes et de les décrire physiquement. Il se souvient également de son nom de famille, du nom du bateau et de quantités d'autres détails qui ont pu être vérifiés lors de l'enquête menée par Jim B. Tucker. Il y a aussi cet autre enfant qui se rappelle avoir été agent d'acteurs pour Hollywood, se souvient de son nom, de l'âge de sa mort, de la façon dont il est mort, d'une partie de son adresse postale, et d'une quantité plus impressionnante encore de détails qui ont eux aussi pratiquement pu être tous vérifiés. L'hypothèse de la réincarnation tient fortement la route.

Dans une deuxième partie, ce sont les expériences de mort imminente (EMI) qui sont abordées ainsi que les expériences de fin de vie. Comme vous le savez déjà si vous suivez ce blog, ce sujet m'intéresse particulièrement. Il est question d'un cas célèbre, celui de la chaussure de Maria (que d'aucuns considéraient au mieux comme une légende urbaine). Mais, particularité du livre: ce cas est raconté par l'infirmière qui l'a rapporté et qui a fait elle-même les vérifications du récit de l'expérienceuse (c'est ainsi que l'on qualifie les personnes qui vivent des EMI). Quand un cas est raconté à la première personne, et que les arguments des sceptiques sont traités les uns après les autres, il faut bien reconnaître que là aussi, c'est troublant. Quoi qu'il en soit, pour ce qui concerne les EMI, Survivre à la mort ne m'a pas appris grand chose. Je suis convaincu qu'il s'agit d'un domaine où la science à beaucoup à apporter et même si de plus en plus de chercheurs osent se lancer dans ce type de recherche, la difficulté principale est la recherche de fonds. C'est désormais ceux qui tiennent les cordons de la bourse qui ont le pouvoir de faire évoluer la connaissance et de déterminer si ce type d'expérience est de nature hallucinatoire ou objective, et si le siège de la conscience peut se trouver en dehors du cerveau.

La troisième partie du livre est consacrée à la médiumnité. L'objectif pour les chercheurs dans ce domaine, comme Julie Beischel de l'Université d'Arizona, est de prouver que certaines personnes ont la capacité de restituer des informations qu'elles n'avaient aucune possibilité de connaître. Carl Sagan disait que des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires. C'est la raison pour laquelle les protocoles scientifiques qui ont cours sont d'une rigueur qui dépasse de loin ce qui se fait en science traditionnelle: les expériences sont en effet menées en quintuple aveugle ! Et les résultats sont très impressionnants. A un point tel qu'il devient vraiment difficile de douter qu'il n'y a pas là quelque chose d'authentique, a minima sur la possibilité de percevoir des informations en dehors des canaux sensoriels, ce qui est un point commun avec certains récits d'EMI lorsque des expérienceurs rapportent des conversations ayant eu lieu dans d'autres pièces, ou décrivent des lieux qu'ils ne connaissaient pas avant et où ils ne se trouvaient pas physiquement. Différents types de médiumnités sont explorés: celle où le médium reste conscient, celle où le médium entre en transe et qui s'apparente volontiers au spiritisme. Toutes sont jugées à l'aune de la véracité des informations rapportées, et le récit est très convaincant.

Les trois premières parties du livre sont une montée en puissance, une préparation, un échauffement à la quatrième et dernière partie qui concerne un cas très particulier de médiumnité: la médiumnité à effets physiques. Leslie Kean participe personnellement à des séances hebdomadaires depuis plusieurs années avec le médium britannique Alexander Stewart, et atteste de la véracité de ce qui est rapporté dans ce chapitre. Ce qui se produit dans ces séances dépasse tellement l'entendement que la tentation de tout rejeter en bloc est très forte. De quoi s'agit-il ? Comme Renaud Évrard le décrivait dans son superbe livre Enquête sur 150 ans de parapsychologie, ce sont des médiums qui entrent en transe et qui laissent leur corps à disposition de consciences qui sont capables de provoquer des effets physiques. Il est notamment question de mains ou de corps entiers qui surgissent d'une substance vaporeuse qu'au siècle dernier on appelait ectoplasme, de voix qui tonnent dans la salle où a lieu la séance, de cornets en métal qui volent dans la pièce, de chair qui traverse la matière et, plus rarement, de guérisons miraculeuses. Autant dire que si l'on accepte l'idée que ces phénomènes existent vraiment, c'est un tout nouveau rapport au monde qui nous est offert.

J'ai beaucoup aimé ce petit pavé de 500 pages, cette enquête sur l'après-vie, non seulement parce qu'il fait état de phénomènes qui m'intéressent beaucoup, non seulement parce que j'apprécie vraiment son auteure ainsi que la plupart des intervenants qui ont rédigé une section comme Pim van Lommel, mais aussi parce qu'en plus de détailler les études scientifiques sur ces thèmes, Leslie Kean s'exprime beaucoup à la première personne, évoquant son frère disparu et les communications qu'elle a pu avoir avoir avec lui à travers différentes médiums (après avoir pris soin d'anonymiser ses demandes et de demander à entendre un message secret), et ses expériences lors des séances avec Stewart Alexander. Le récit qui pourrait être lourd et indigeste s'il n'était que scientifique s'en trouve considérablement allégé.

Il est à noter que ce livre a été adapté pour la télévision dans une série documentaire éponyme de six épisodes disponible sur Netflix, que j'ai visionnés après avoir terminé la lecture. Les contenus assez inégaux ne reflètent pas la richesse du livre, mais l'épisode sur les enfants qui se souviennent de vies antérieures et celui sur les EMI à eux seuls valent de se poser pour une heure et demie.

Survivre à la mort est de fait un livre que je recommande chaleureusement !

Leslie Kean - Survivre à la mort
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