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Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Jérôme Attal - La ballade de Pattie, George et Éric

C'est toujours une joie pour moi de découvrir un livre où j'aime à la fois le sujet et l'auteur. Le prolifique Jérôme Attal a encore frappé en périphérie des Beatles. Dans La ballade de Pattie, George et Eric, sorti en 2022 chez Le mot et le reste, il est question d'un triangle amoureux célèbre, de deux histoires d'amour qui se chevauchent autour d'une amitié dont la solidité est à toute épreuve, celles de Pattie Boyd avec George Harrison puis avec Eric Clapton.

Cette biographie chorale débute dans l'Angleterre en reconstruction des années 50 pour George et Eric, et dans le Kenya colonisé par l'empire britannique pour Pattie. Si la famille de George est assez stable, celle de Pattie explose et devient un terrain mouvant. Quant à Eric, il découvre un jour que celle qu'il a toujours considérée comme sa mère est en fait sa grand-mère, et que sa soeur est en réalité sa mère. "L'enfance est un brouillard, et je ferai tout pour en sortir. C'est un mur de mensonges. Un récit qu'on vous sert à la cuillère à soupe, dont on vous gave, une bouillie d'instants, d'espoirs et de tracas, cuisinée par les compromis des adultes."

On dit que c'est du fumier qu'éclosent les plus belles fleurs, George et Eric illustrent parfaitement ce dicton. Les nouvelles technologies de l'époque seront le catalyseur de ces métamorphoses. Du temps où il travaillait dans la marine, le père de George a ramené des Etats-Unis un tourne-disque. Avec la radio, il n'en faut pas plus pour que le jeune George, dont les parents viennent de sacrifier trois pounds et dix shillings pour lui offrir une guitare, commence à affûter ses couteaux. De son côté, Eric a lui aussi reçu de sa grand-mère une guitare acoustique. Bien qu'elle soit très difficile à jouer, elle devient peu à peu son refuge face aux mensonges du monde des adultes. Six cordes, six lignes de vie.

Chaque jour, des heures d'écoute et de pratique monomaniaque, il faudra être prêts quand le destin viendra frapper à la porte. Pour George, c'est la rencontre, en 1957 dans un bus, avec Paul qui vient de monter un groupe de reprises de skiffle avec John, qui deviendra les Beatles en 1960. Eric, de son côté, est rapidement repéré et passe de groupe en groupe jusqu'à rejoindre en 1963 les Yardbirds. Fin 1963, les Yardbirds jouent en première partie des Beatles, George et Eric sympathisent. Pour une ou deux années d'écart d'âge, George était considéré par John et Paul comme leur petit frère et jamais réellement pris au sérieux. Avec Eric, c'est différent. La différence d'âge joue en sa faveur et il va s'établir entre eux un rapport d'égal à égal dans une relation de respect mutuel qui ne tourne pratiquement jamais à la compétition. Et tandis que le destin tisse patiemment sa toile, la légende musicale est en marche.

Côté amours, George et Eric vont connaître la multiplicité, les histoires sans lendemain, les filles faciles de fin de concert. Mais en 1964, alors qu'il est en tournage du film A Hard Day's Night, George rencontre Pattie, qui est rentrée du Kenya. Le jour-même, il a du mal a masquer l'explosion de sentiments qui l'envahit, et lui demande mi-rieur, mi-sérieux, si elle accepterait de l'épouser, ou à défaut, si elle accepterait de dîner avec lui. C'est sur cette ouverture que commence l'histoire de ces "flammes jumelles".

Quelques mois plus tard, lors de leur première rencontre, Eric tombe à son tour éperdument amoureux de Pattie. Mais, c'est évidemment une histoire d'amour impossible. Cela frôle l'archétype. Arthur, Lancelot et Guenièvre ne sont pas loin, et les guitares ont remplacé les épées. L'amour se fait courtois. D'un côté, George écrit pour Pattie la chanson Something, de son côté, Eric lui écrit Layla (en référence à la légende perse d'un amour contrarié, Layla et Majnûn). Les deux connaissent un retentissement planétaire.

Peu à peu, avec l'intérêt grandissant de George pour le mouvement Krishna, Pattie va se laisser séduire par Eric et se retrouvera en position de devoir choisir... Choix cornélien s'il en est, les trois protagonistes étant pris et épris dans un maillage de conflits de fidélité.

Jérôme Attal a réussi à ne pas tomber dans une écriture psychanalytique de ces vies. Il a plutôt opté pour un journal poétique au présent qui relate en en conservant la fraîcheur, l'immédiateté des événements et en les replaçant dans le contexte particulier des sixties. Eric, George et Pattie sont les jouets de leurs émotions en plein coeur d'une période éminemment prolifique sur le plan culturel, musical et artistique. On flotte avec eux. On coule aussi parfois avec eux. Puis on renaît de leurs cendres.

J'ai beaucoup aimé La ballade de Pattie, George et Eric parce que c'est un voyage résolument vivant au coeur d'une époque révolue, une légende arthuréenne au coeur de la légende musicale, et parce que j'y retrouve la teinte personnelle de Jérôme Attal. Si je le recommande ? Évidemment que oui !

Jérôme Attal - La ballade de Pattie, George et Éric
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