18 Mars 2024
Suite à une chronique publiée mi-février et intitulée Comment as-tu aimé ? plusieurs lect.rices.eurs m'ont fait part de fortes similitudes entre mon texte et ce que rapporte l'expérienceuse française, Nicole Dron, suite à son expérience de mort imminente. Je l'avais déjà entendue en interview, également vue dans Faux-Départ, le film de la réalisatrice et journaliste Sonia Barkallah, sorti en 2010 où elle prononce cette même question. Je savais qu'elle avait écrit un livre relatant son expérience mais jusqu'à présent, je ne l'avais pas lu. Piqué par la curiosité, je me suis alors immédiatement intéressé à elle, ai réalisé qu'elle avait écrit non pas un livre, mais deux, et que ce deuxième livre s'appelle précisément Comment as-tu aimé et comment as-tu aidé les autres ? J'ai donc commandé ses deux livres, et me suis immergé dans le premier: 45 secondes d'éternité, un récit autobiographique et descriptif de son EMI survenue en 1968 alors qu'elle venait d'être plongée dans une anesthésie suite à une grave hémorragie interne. Et j'ai compris la pertinence des remarques des internautes qui ont lu ma chronique. C'est en effet flagrant: nous parlons exactement de la même chose, de cette leçon principale des EMI: l'importance d'incarner cette valeur transcendantale absolue au coeur de l'expérience de la matière.
Rarement me suis-je senti aussi en accord avec la manière d'être de quelqu'un. Cette gentillesse, cette indulgence et cette opiniâtreté à insuffler l'Amour sous toutes ses déclinaisons comme une forme d'apostolat. Il me paraît impossible de sortir de ce livre sans se dire que Nicole Dron est une belle âme !
45 secondes d'éternité est un récit autobiographique. Son "testament spirituel". Elle y relate sa vie depuis la plus tendre enfance, ce qui s'avère très utile pour contextualiser son expérience de mort imminente survenue à l'âge de 26 ans. Issue d'une famille aimante, élevée dans la foi catholique, à la fois dans la sévérité et dans la bienveillance, elle entretient une relation privilégiée avec ses grands-parents maternels, un grand-père grand mutilé de la première guerre mondiale, une grand-mère "que chaque enfant du monde devrait avoir". Combien il est précieux pour elle "d'être en présence d'un être qui a cheminé sur les sentiers les plus profonds de son être, qui a abandonné ses masques, ses prétentions, ses fausses valeurs pour simplement être !" Et l'ombre de cette grand-mère maternelle qu'elle n'a pas connue mais dont on disait d'elle qu'elle était exceptionnelle, de gentillesse et de bienveillance. Chaque chapitre est une opportunité de rendre des hommages appuyés et sincères à toutes les personnes qui lui ont montré de la bienveillance et l'ont aidée à se construire. Comme elle le répète souvent, on juge l'arbre à ses fruits. Il ne fait aucun doute que Nicole Dron est un fruit qui n'est pas tombé loin de l'arbre familial.
Mais la mort est aussi présente dès l'enfance. A l'âge de onze ans, elle perd son petit frère Pierre qu'elle adore, âgé de sept mois, suite à une épidémie de toxicose. Suite à cet épisode, sa mère ne chantera plus jamais dans la maison. Et, pour ainsi dire, cette épreuve la fera elle-même passer brutalement à l'âge adulte.
Alors qu'elle a mis au monde quelques jours auparavant son deuxième enfant, Nicole Dron est de nouveau hospitalisée pour une hémorragie interne consécutive à un mauvais curetage. A peine anesthésiée, sa tension chute soudainement, et elle réalise qu'elle se trouve hors de son corps, au-dessus de la table d'opération. C'est ainsi que débute l'une des EMI qui compte parmi les plus anciennes en France et les plus complètes à ce jour si l'on considère les critères de l'échelle de Greyson.
Nicole Dron observe son corps qu'elle trouve bien abîmé, a le temps d'entendre le chirurgien prononcer la phrase "Elle me pète entre les mains !", puis aussitôt qu'elle pense à son mari et à son beau-père, elle se retrouve avec eux dans la salle d'attente de l'hôpital. Non seulement, elle les voit, mais elle perçoit également leurs pensées, sans la possibilité de communiquer avec eux. Elle est un peu déçue qu'il ne soit pas plus inquiet que cela de ce qui est en train de se jouer. En accédant aux pensées de son beau-père, elle réalise aussi que contrairement à ce qu'elle avait imaginé, il l'aime pour ce qu'elle est et pas "selon [sa] capacité à rendre leur fils heureux" et est véritablement inquiet pour elle. Puis, elle pense à ses deux enfants, qu'elle a fait garder par sa belle-mère, constate que celle-ci n'a pas suivi ses recommandations de donner à manger à son petit garçon à 11:30. Elle se retrouve ensuite projetée chez ses parents, ressent leur panique, entend son père parler de l'organisation pour que la famille soit présente à son réveil. Elle vérifiera par la suite tout ce qu'elle a vu et entendu et sa famille, étonnée, lui confirmera ses perceptions.
Puis débute alors la partie transcendantale de l'expérience. Cela commence par le fait d'être plongée "dans un abîme de ténèbres, de silence" où elle a l'impression d'être "seule au monde, dans un néant infini". Elle n'est alors plus capable d'estimer les durées, n'a plus l'impression que le temps existe. Cette partie est assez conforme à ce qui est rapporté de nombreuses EMI dites négatives, où les personnes se retrouvent dans un vide absolu, qui a vite fait de les terroriser ou de fortement les éprouver. Heureusement pour elle, un point lumineux apparaît, qui s'agrandit, et la voilà complètement immergée dans une lumière très vive, un "océan d'Amour, mais de l'Amour pur, celui qui s'offre et ne demande rien, un Amour soleil". Un être apparaît qu'elle reconnaît: son petit frère Pierre, qu'elle a la joie de pouvoir prendre dans ses bras. Elle rencontre aussi le frère de son mari qui s'était noyé à l'âge de 25 ans. Elle retrouve d'autres êtres qu'elle n'a pas connus dans cette vie mais qu'elle reconnaît. Enfin, c'est un être de lumière, "une immense Présence, une infinie Présence [...] un Être que notre coeur connaît" qui se manifeste à elle. Celui-ci lui pose alors deux questions: "Comment as-tu aimé et qu'as-tu fait pour les autres ?" Sa vie lui apparaît "comme un immense tableau vivant" qu'elle peut appréhender d'un seul regard. Elle revit cette vie à la différence près qu'elle peut ressentir de l'intérieur les émotions des autres personnes qu'elle a côtoyées, et peut ainsi prendre conscience de l'impact qu'ont eu ses actions à leur égard. Personne ne la juge si ce n'est elle-même. Elle découvre son incapacité à agir du fait d'une trop grosse dépendance au regard extérieur et de la rigidité de son système de pensées. Et elle prend également conscience des raisons pour lesquelles les autres personnes ont agi avec elle comme elles l'ont fait. Elle réalise que "tout ce qui ne peut être exposé en pleine lumière assombrit notre âme".
C'est alors que son futur et le futur de l'humanité lui est dévoilé. Elle n'en ramènera que quelques bribes, mais suffisamment pour convaincre ses proches de la réalité de son expérience. Elle se souviendra par exemple que ses beaux-parents et sa grand-mère décèderaient dans un intervalle court, et notamment deux d'entre eux en moins de trois semaines. Dans cet état, un chien de race boxer lui apparaît qui lui demande de l'adopter. Elle retrouvera ce chien dans la vraie vie quelques années plus tard. Et puis, elle a accès à l'intégralité des connaissances. Et notamment des catastrophes qui attendent l'humanité dans les années à venir si elle ne prend pas conscience dans sa globalité des impacts du matérialisme et de ses travers. Je ne raconterai pas tout ce qui se passe encore dans cet état de transcendance, l'expérience est tellement riche en contenus et diversifiée ! Toutefois, avant de retourner dans son corps, il est recommandé d'attendre 17 années avant de parler publiquement de cette expérience.
La suite du livre raconte comment cette expérience - qui a en tout et pour tout duré 45 secondes de temps terrestre, mais bien plus en temps subjectif - a impacté la vie de Nicole Dron, d'abord au niveau personnel, puis dans sa vie désormais largement publique. Elle décrit comment la quête spirituelle est devenue une priorité absolue pour elle, la plongeant dans de nombreuses lectures, des mystiques de toutes religions, des cherchants, des scientifiques, des philosophes... Et comment elle a décidé de pratiquer au quotidien et avec opiniâtreté ce qu'elle appelle la religion de l'Amour, qui est selon elle le tronc commun et le message originel de toutes les religions. Une approche consensuelle que je partage largement, à la nuance près que j'ai beaucoup de mal avec les religions et les dogmes du fait des clivages et des séparations entre communautés qu'ils impliquent et des conséquences dramatiques de ces clivages. L'actualité regorge de conflits associés aux religions. Alors qu'une EMI comme celle vécue par Nicole Dron propose exactement le contraire: une religion qui relie autour de la pratique quotidienne de l'Amour.
A peine ce livre terminé, je me suis donc engagé dans la lecture de son deuxième livre, avec le rêve secret de la rencontrer pour lui faire part de ma joie de l'avoir lue et d'avoir appris que l'éternité tient en 45 secondes.