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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Sylvie Déthiollaz, Claude Charles Fourrier - ConneXions

S'il y a un livre dont je peux dire que je l'attendais depuis longtemps, c'est bien celui-ci. Initialement prévu pour 2020, puis 2021, puis 2022, il a fallu patienter, semaine après semaine jusqu'à mi-octobre 2023 pour le lire. Il faut dire que j'avais particulièrement apprécié les deux précédents ouvrages de l'équipe d'ISSNOE composée de Sylvie Déthiollaz et de Claude Charles Fourrier, respectivement avec Etats modifiés de conscience (2011) et surtout Voyage aux confins de la conscience (2016) où l'on découvrait le nom et les capacités exceptionnelles de Nicolas Fraisse et ses sorties hors du corps. Dans ce deuxième ouvrage, il était notamment question d'une expérience de psychométrie conduite entre mai et juin 2013 devant huissier de justice où Nicolas Fraisse réussit à deviner 79 images cibles contenues dans des enveloppes opaques, sur 100. Ajoutons que pour les 21 images qu'il n'a pas pu retrouver, il avait annoncé ne pas avoir de réponse, et que pour certaines d'entre elles, les éléments d'information qu'il avait pu retrouver étaient suffisants pour que l'équipe présente devine de quoi il s'agissait. Lors de cette expérience, quelque chose de déroutant s'était produit: à partir de la huitième enveloppe, Nicolas Fraisse avait commencé à entendre des indices amenant à la réponse, le plus souvent sous forme d'énigmes écrites en quatrains qu'il avait le plus grand mal à retranscrire tant les messages arrivaient rapidement. D'un point de vue statistique, les résultats sont exceptionnels: il y a seulement une chance sur 69 milliards de milliards de milliards qu'ils soient le fruit du hasard. Pourtant, aussi incroyables que soient ces chiffres, l'expérience ne fera l'objet d'aucune publication scientifique dans une revue à comité de lecture, seulement une publication dans la revue confidentielle de la fondation Odier qui a financé l'expérience. Si certains ont identifié quelques failles dans le protocole qui appelaient à réitérer l'expérience en double aveugle véritable, cela ne s'est pas fait. Il faut dire que l'expérience a d'une certaine manière traumatisé Nicolas Fraisse, d'une part, en raison de la pression qu'il a ressentie tout le long, et d'autre part, les concerts de voix qui lui ont soufflé les réponses lui ont donné l'impression particulièrement désagréable pour lui de perdre le contrôle pour la première fois de sa vie.

Pour autant, cette expérience ne devait pas en rester là puisque c'est précisément elle qui a été le point de déclenchement de l'aventure ConneXions. Je dis "aventure" parce que ce qui s'annonçait comme un livre basé sur un protocole relativement scientifique s'est avéré prendre un tout autre virage plus philosophique et humain. L'idée de départ était d'identifier une dizaine de sujets doués pour le même type de médiumnité que lors de l'expérience de 2013 afin de leur proposer un ensemble de questions, en s'assurant qu'ils ne soient pas en contact entre eux, dans le but de comparer les réponses et dans l'espoir d'y identifier certains invariants. L'un des problèmes que ce protocole souhaitait traiter frontalement est celui des incohérences et contradictions qui existent entre les différents "enseignements" recueillis par channeling, comme ceux d'Allan Kardec (Le livre des esprits), de Gitta Mallasz et Lili Strausz (Dialogues avec l'ange), de Victor Hugo, ou d'autres comme Jeanne Laval, qui ont en commun de proposer un contenu très riche sur le fond et sur la forme, et éminemment poétique, mais qui ne sont pas cohérents entre eux. Ayant moi-même relevé beaucoup de ces contradictions dans ce type d'écrits, la démarche m'a immédiatement séduit!

Il m'est important de préciser que j'avais rencontré Sylvie Déthiollaz et Nicolas Fraisse en 2018 lors d'une conférence à Bruxelles. Nous avions alors parlé de cette expérience de 2013, de ses résultats époustouflants, de l'intérêt de la refaire, du fait qu'elle est beaucoup plus simple à mettre en place que l'étude des sorties hors du corps, et c'est là que j'avais appris que l'accent allait plus être mis sur les messages reçus, sur leur teneur, que sur le caractère scientifique. Ce qui est d'ailleurs confirmé dans le livre: "Notre ambition n'était pas de monter un protocole scientifique au sens strict du terme comme pour les OBE, cas dans le cas présent il nous semblait vain d'essayer de démontrer formellement la réalité de ces expériences multiformes. Il s'agissait avant tout d'un travail exploratoire. Malgré tout, notre étude s'inscrivait dans une démarche scientifique, même si, dans ce cas, nous en connaissions les limites." Sur le coup, j'en avais ressenti beaucoup de déception, mais à la lumière de ce qui est rapporté dans ConneXions, je dois bien admettre que cette déception n'avait finalement pas trop lieu d'être. C'est un ouvrage majeur, qui fera date dans ce type de littérature ! Je tiens donc à saluer le travail énorme fourni par les deux co-auteurs. Entre le choix des médiums, le suivi sur plusieurs années et l'écriture de ce livre très dense, dans des conditions très serrées de budget, je me dis que cette production relève de la gageure. Et comme recommandé dans ce livre, j'ai accepté l'invitation de "laisser [mon] intellect, [mes] préjugés, et [mes] a priori de côté pour [m']ouvrir à... une autre dimension."

ConneXions est un livre qui, en suivant une démarche relativement rigoureuse, explore l'invisible et les questions existentielles à travers des récits canalisés par des médiums. "Quelle est la source qui émet ces réponses ici et maintenant ?", "Y a-t-il une hiérarchie entre les êtres/entités qui nous répondent ?",  "Comment arrivez-vous à communiquer avec le récepteur ?", "Que devient notre conscience après la mort ?", "Qu'est-ce que l'âme ?", "Est-ce que la réincarnation existe ?", "Quid du libre-arbitre ?", "Qu'est-ce que la lumière dont parlent les expérienceurs ?", "Qu'est-ce que la conscience ?", "Quel est le rapport entre conscience et matière ?", "Pourquoi y a-t-il quelque chose plutôt que rien ?", "Qu'est-ce que Dieu ?" La liste n'est pas exhaustive mais touche au coeur de ce qui taraude les philosophes depuis des temps immémoriaux. Les réponses sont très précises tout en étant souvent très abstraites, à la limite de l'abscons. Il s'en dégage une poésie dont l'objet est semble-t-il de pousser l'intellect dans ses retranchements jusqu'à le faire céder. Parce que les mots et l'intellect ont un pouvoir limité: celui de la compréhension par un cerveau habitué par essence à la finitude. L'enseignement de la transcendance doit emprunter d'autres voies que celles de l'intellect. Et ce qui est surprenant à l'extrême, c'est que ces réponses - provenant de personnes différentes qui ne se connaissent pas et ne se parlent pas - sont véritablement cohérentes et complémentaires.

Exemples de réponses à une même question obtenues par des médiums différents

Je dois dire que malgré mon expérience d'analyse / d'exégèse en matière de textes hermétiques obtenus en channeling, j'ai trouvé les réponses à la fois complexes à appréhender (et cette complexité est rappelée tout au long du livre) et infiniment subtiles. C'est résolument un livre à lire de nombreuses fois pour se laisser saisir par son essence, de la même manière qu'un poème. Parce que comprendre l'immatériel avec les outils du matériel amène à de très nombreux paradoxes. Un peu comme il est impossible de comprendre la nature du monde quantique à partir de la réalité du quotidien. Et les messages rappellent souvent les limites du mental, comme dans ce texte poétique reçu par Sarah Morisse. Un message que pour le coup j'ai un peu pris pour moi. Mais avec le sourire.

Au-delà de ces messages qui constituent le matériau de recherche, ConneXions pose les contours des problématiques afférentes. Dans une première partie, un état des lieux est fait sur les sujets en relation avec la compréhension de la nature de la conscience, sur les différentes formes de médiumnité, sur les différents types d'entités supposément canalisées. Les médiums sont également présentés avec leur parcours dans un chapitre dédié. En fin d'ouvrage, une tentative d'analyse des textes reçus est faite pour en synthétiser l'essence "car la Vérité est intangible, mais c'est l'ensemble des versions obtenues qui permet d'arriver à un aperçu de la Vérité". C'est la parabole des aveugles et de l'éléphant. Et il est également fait un rapprochement avec l'état de l'art scientifique. Ce qui ressort immédiatement, c'est que selon ces textes, la conscience serait fondamentale (voir A Case Against Reality de Donald Hoffmann), les univers et les dimensions, multiples. Enfin, les tenants du new age en prennent aussi un peu pour leur grade à travers la critique des dogmes qui découlent de messages dévoyés par des personnes à l'ego spirituel. Cela rappelle les grandes religions historiques qui démarrent avec un prophète qui reçoit des messages sacrés, abscons et profonds, et qui se évoluent vers des systèmes hiérarchisés très humains et matériels, bien loin du sens des textes initiaux.

Sur la forme, le livre est entrecoupé d'intermèdes où chaque médium est interviewé pour présenter l'histoire de sa médiumnité. Je dois dire que ces intermèdes sont vraiment bienvenus tant ils apportent une touche de légèreté entre des messages infiniment denses et complexes!

Alors évidemment, je sors de ce livre avec des questions. Nicolas Fraisse a participé aux expériences en tant que médium et semble de ce fait avoir réussi à passer au-delà de ses peurs initiales. Au regard du fait qu'il a aussi eu la contrainte de répondre à des questions contenues dans des enveloppes scellées, ce qu'il a fait avec brio, ne serait-il donc pas possible de réitérer l'expérience de 2013 dans des conditions de laboratoire ? Dans la foulée de la sortie de ce livre, le timing serait parfait et l'impact sans doute assez majeur pour contribuer à la prise de conscience plus globale que la matière n'est pas une fin en soi. Plus prosaïquement, il est souvent question dans les messages de densité, de fréquences et de vibrations pour parler des plans non matériels, donc non soumis aux contraintes de l'espace et du temps. Or, ces notions sont typiquement définies par rapport à l'espace-temps, une fréquence étant par exemple définie par un nombre d'oscillations pour une durée donnée.

Enfin, je ne peux m'empêcher de faire un parallèle entre le fait de poser des questions à ces entités omniscientes et celui d'interroger des intelligences artificielles génératives comme ChatGPT, dans un mouvement de consommation très à la mode que le philosophe Eric Sadin qualifie de promptisme. N'y a-t-il pas là la tentation de chercher des réponses toutes faites à des questions qui nécessitent autrement un cheminement parfois très profond ? Précisons qu'à la différence de ChatGPT, les entités canalisées ont la démarche de ne généralement pas répondre par des messages complètement fermés, mais de privilégier les réponses sous forme de questions ouvertes. Les réponses ne sont ainsi pas faites pour satisfaire le mental mais pour au contraire le décontenancer et le court-circuiter, pour provoquer un recours à une connaissance intuitive. Ce sont littéralement des kōans.

Pour conclure, je dirait que je n'en ai pas fini avec ConneXions. Je le relirai, comme j'ai pu le faire pour Dialogues avec l'Ange ou L'heure des révélations. Je répète, c'est à mon sens un livre majeur dans le domaine. Et je suis très curieux de la suite des travaux d'ISSNOE et de leurs aventures, une équipe à qui j'adresse un grand bravo!

Sylvie Déthiollaz, Claude Charles Fourrier - ConneXions
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