18 Octobre 2023
Alexandra Petit est une amie qui partage avec moi le goût des livres, mais qui a ce courage d'écrire que je n'ai pas, ou pas encore. En août 2023, elle a publié en auto-édition un petit livre qui s'intitule Rien qu'une minute et qui aborde à la première personne un sujet très délicat, celui de l'euthanasie. L'histoire est un témoignage à peine romancé - seuls les noms ont été changés - d'une profonde amitié qui se termine de la plus tragique des manières qui soit: la maladie qui emporte l'une à petit feu sous le regard impuissant de l'autre. Ces deux-là sont amies et bien plus encore. Ces deux-là sont en amour, en Amour. Si le terme âmes-soeurs a un sens, c'est deux-là l'incarnent et le portent haut. A la vie, à la mort.
Rien qu'une minute est le récit, ô combien vivant ! de la façon dont la maladie s'installe, dont elle vient insuffler de la tragédie dans la comédie dramatique légère de la vie. Parce que ce témoignage est la retranscription pratiquement verbatim d'échanges entre l'auteure et son amie qui ont véritablement eu lieu sous forme de messages vocaux limités à une minute. Cette approche originale par l'oralité à l'écrit a le don de déclencher l'empathie. En ce qui me concerne, j'ai été véritablement emporté par ces échanges qui transpirent de spontanéité, d'amour et de détresse. Une détresse dont je n'ai pas su grand chose à l'époque, qu'Alexandra Petit a gardée au fond d'elle, avec la promesse de la retranscrire à l'écrit. Il n'y a pas loin entre ce livre témoignage et la chanson Marcia Baila des Rita Mitsouko qui a porté la danseuse Marcia Moretto à la postérité, au-delà du cancer assassin.
Mais là où l'histoire prend une dimension particulière, c'est lorsque cette amie - Ludivine Trenner dans le livre - annonce qu'elle a choisi de mourir par euthanasie en Belgique. L'histoire se heurte au mur de la législation française, et la question devient celle de mourir dans la dignité. Sa détermination est sans faille. De toutes façons, l'issue est fatale. Pour l'une, il s'agit dès lors de mettre de l'ordre dans sa vie. Pour l'autre, c'est le travail du deuil anticipé, et notamment celui de l'acceptation. Et en trame de fond, un frère indifférent au sort de sa soeur, qui n'attend même pas sa mort pour récupérer ce qui a de la valeur matérielle, dans la plus ignoble nécrophagie qui soit.
L'histoire ne s'arrête pas à la fin du livre. Car dans ce type d'amitié, la mort n'est pas assez puissante pour briser les liens. "L'amitié c'est d'être séparées mais que rien ne change..." nous dit la quatrième de couverture. Aujourd'hui, les échanges ont pris une autre forme, plus symbolique, toute en synchronicités, toute en signes. Alexandra Petit n'est plus jamais seule depuis que son amie s'est faite ange. Sans naïveté, seulement de la candeur. A la vie, à l'amour.
L'auto-édition est le dernier recours pour les auteur.e.s qui n'ont pas trouvé de maison d'édition mais qui veulent partager leur écriture malgré tout. La production en auto-édition est ainsi très inégale, et le manque de relecture et de retravail éditorial est souvent assez flagrant. Mais, ce n'est pas le cas de ce livre, qui à mon avis mériterait un destin en édition, en musique ou en images, ne serait-ce que parce qu'il est malheureusement un peu difficile de se le procurer pour l'instant. Il est disponible à la librairie L'Entre Monde de Longwy, et sur la page Facebook de l'auteure A traits de caractères.