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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Stéphane Allix - La mort n'existe pas

Après avoir lu un nombre certain de livres de Stéphane Allix, je m'étais dit que j'en avais probablement vu l'essentiel et je n'étais pas particulièrement déterminé à me replonger dans l'une de ses productions. Travaillant actuellement sur un film documentaire sur le thème des expériences de mort imminente, et ayant entendu une interview très intéressante de lui chez Fabrice Midal où ce sujet est abordé de façon très pragmatique, je me suis finalement décidé à ne pas faire l'impasse sur son dernier livre en date, La mort n'existe pas, publié en octobre 2023 chez Harper Collins. Un énorme succès de librairie ! Le livre est numéro un des ventes plusieurs semaines de suite depuis sa sortie et son auteur a été invité à toutes les émissions possibles du PAF. Il faut dire aussi que ce qui interpelle chez Stéphane Allix quand il est interviewé, c'est la précision de ses réponses, son éloquence simple et sa maîtrise des sujets. Au-delà de la campagne de promotion réussie, il y a quelque chose dans ce livre qui touche beaucoup de Français et il m'intéressait aussi de savoir quoi.

Depuis le début de sa carrière d'auteur, ses livres sont écrits à la première personne, dans le pur style gonzo. Ce n'est pas forcément un angle que j'apprécie habituellement, mais l'avantage en contrepartie est que le récit gagne en vécu ce qu'il perd en sérieux. C'est un compromis acceptable pour le journalisme. Et même si les thèmes abordés font à de nombreuses reprises référence à la science, il s'agit bien dans les livres de Stéphane Allix de journalisme. Mais ici, cette approche prend un sens bien plus profond puisqu'il s'agit pour l'auteur d'incarner le fait que les connaissances théoriques sur ces sujets n'équivaudront jamais à leur phénoménologie. Pour tout ce qui touche à la conscience, le vécu subjectif - l'expérience - l'emporte sur l'intellect. Dit autrement, si la carte peut servir de boussole, c'est résolument le territoire qui seul compte !

Stéphane Allix refait le parcours des 22 années qui le séparent aujourd'hui de la mort de son frère lors d'un reportage en Afghanistan. Cette mort, qui fut pour lui à la fois un électrochoc très violent, une responsabilité involontaire et un deuil impossible, a été le point de départ d'une quête existentielle  et obsessionnelle qui peut se résumer en une seule question: que se passe-t-il après la mort pour la conscience ? Et ces deux décennies ont été un voyage vertigineux qui l'a amené à s'intéresser à toutes les expériences susceptibles d'apporter des réponses à ces questionnements: les expériences de mort imminente, la médiumnité, la voyance, la vision à distance, la télépathie jusqu'aux drogues psychédéliques. Non pas d'un point de vue seulement intellectuel qui ne parlerait que de la carte, mais également à travers des expériences personnelles, qui figurent le territoire. Le moins que l'on puisse dire, c'est que le carnet de bord du capitaine Allix est absolument passionnant.

Et j'ai été assez surpris de réaliser que ce livre que je n'avais pas initialement prévu de lire est venu au bon moment pour m'aider à prendre conscience du fait que la voie de l'expérience est celle qu'il me faut suivre. Que la compréhension intellectuelle de ces sujets se heurtera toujours à une limite qui est précisément celle qu'il décrit à propos de son père, intellectuel et grand lecteur de philosophie, qui malgré son érudition s'est senti frustré jusqu'au bout de ne pas trouver l'illumination dans les livres. C'est une voie que j'emprunte depuis quelques années, aidé en cela par quelques grosses déconvenues et déceptions personnelles. C'est cette même limite à laquelle se heurte la science avec la ligne de démarcation qu'elle maintient par nature entre l'objet et le sujet, même si la phénoménologie vient un peu redistribuer quelques cartes. Stéphane Allix met l'accent sur quelques scientifiques qui non contents d'étudier les effets des substances psychédéliques sur des personnes, les ont également essayées sur eux-mêmes, faisant ainsi se rejoindre carte et territoire. Cette dimension de l'expérience est celle qui fait fondamentalement la différence.

Pour cette raison, j'ai mis dans ma vie l'accent sur la poésie qui n'est pas une lecture comme les autres. L'objectif premier de la poésie n'est pas d'enseigner. La poésie est une expérience. Et plus précisément une expérience de l'indicible, un avant-goût de l'ineffable, et un point de contact avec le tout, avec l'Absolu des philosophes et des théologiens. La mort n'existe pas ne parle pas de poésie et pourtant je réalise toujours plus à sa lecture à quel point l'intérêt de la poésie est cet espace qui existe entre les mots, entre les concepts. Car elle nécessite une extinction du mental qui peut aller jusqu'à la dissolution du moi, dont Stéphane Allix parle à travers sa pratique encadrée de l'ayahuasca et du LSD, et plus récemment via la méditation. Cette dissolution de l'égo est la condition sine qua non pour accéder aux portes de la perception qui donne sur cette dimension purement informationnelle régie par la non-localisation. Ce qu'en d'autres termes on appelle la transcendance.

Ainsi j'ai beaucoup apprécié La mort n'existe pas, et je le recommanderai sans hésiter à toute personne qui désire lire quelque chose de Stéphane Allix. De mon point de vue, c'est son meilleur livre, y compris pour le style, ce qui ne gâche rien. Avec toujours l'objectivité comme horizon inatteignable du journaliste qui fait sa persona, et la subjectivité opérationnelle de l'humain qu'il est, il trouve enfin le bon équilibre. Et c'est peut-être cela qui parle autant à des publics si différents au point d'en faire le succès qu'il est.

Stéphane Allix - La mort n'existe pas
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