19 Juin 2023
Parfois, nous allons à la rencontre des livres, parfois, ce sont les livres qui viennent à nous. Dans le cadre de mes consultations à propos du harcèlement scolaire qu'a subi mon fils il y a quelques mois, mon attention a été attirée par un flyer en salle d'attente qui présentait le livre Les maladies ne tombent peut-être pas du ciel, écrit par le psychothérapeute Cyril Tarquinio, qui officie dans ce même cabinet, et qui bénéficie d'une solide réputation dans la région. D'une part, c'est un sujet qui m'intéresse, d'autre part, je trouve éclairant de rentrer dans les mots de quelqu'un qui, même indirectement, est amené à avoir un impact sur la vie de mon fils. C'est de toute une approche à une discipline et à un métier qu'il est question. Autant de raisons qui m'ont fait acheter ce livre donc (comme toujours, sur lalibrairie.com, je ne le dis pas assez, il faut défendre les libraires face aux géants du commerce en ligne). Je ne savais pas spécialement à quoi m'attendre. Et je suis heureux de dire que les contenus sont à la fois qualitatifs et plaisants à lire, avec un bon dosage d'académique et de vulgarisation.
Pour l'anecdote, le livre est préfacé en termes très élogieux par Boris Cyrulnik, ce qui n'est pas rien. Pourquoi ? Sans doute parce qu'il est question, durant une bonne moitié de l'ouvrage, de l'impact des traumatismes qui surviennent à la petite enfance, et de la façon dont ils s'avèrent déterminants et impactants dans la vie d'adulte. Et probablement aussi du fait que certaines clés de la résilience sont présentées dans ce livre. Certes, personne ne vit sans connaître d'accrocs. Certes, ce sont les aspérités de la vie qui contribuent le plus à notre édification, c'est-à-dire au renforcement de nos structures mentales et physiques. Mais parfois, quand les épreuves surviennent trop tôt, trop brutalement, et particulièrement quand elles sont générées par les personnes de notre entourage proche, celles-là même en qui enfants nous plaçons toute notre confiance, celles dont le rôle est de nous protéger pendant notre phase initiale de fragilité, parfois ces épreuves s'avèrent profondément handicapantes. Et l'auteur de faire une analogie avec l'un des arbres de son jardin dont il a sectionné une partie des racines par inadvertance avec sa tondeuse. Cet arbre en a conservé une anomalie de croissance: un côté développé normalement et l'autre resté rachitique. Il y a dans ce lien de cause à effet quelque chose d'attendu, de relativement simple à envisager. Abîmez les bases de l'être en devenir qu'est un enfant et vous augmenterez les chances qu'une partie de lui ne puisse plus évoluer dans les meilleures conditions. Vous augmenterez accessoirement ses chances de somatiser sous la forme d'une maladie ou d'une autre, comme un cancer ou des pathologies cardio-vasculaires.
Cette part de la psyché humaine n'est pas encore étudiée à grande échelle, la science rechigne à établir ces liens déterministes entre les brisures de l'enfance et les pathologies de l'âge adulte. C'est compréhensible, la conscience humaine est éminemment complexe. Tout au plus peut-on tenter d'établir des corrélations. On prouverait sans doute alors que les petites blessures supportables de l'enfance peuvent agir comme des vaccins et renforcer le continuum psychisme-corps. Car après tout, un enfant qui grandirait dans une famille parfaite pourvoyant à tous ses besoins en sortirait parfaitement inadapté au monde réel qui est tout sauf parfait. Tout comme une plante ayant grandi sous serre dans un terreau idéal qui serait rempotée dans une terre moins riche et sous un climat plus hostile. Mais on prouverait sans doute aussi que des blessures trop fortes ont des répercussions négatives sur le développement. N'est-ce pas souvent la dose qui fait la différence entre le remède et le poison ?
Cyril Tarquinio aborde différents types de traumatismes, dont le harcèlement scolaire, mais aussi les violences éducatives ordinaires (il se place résolument contre la fessée), et montre leurs répercussions d'un point de vue physiologique, sur le cerveau, le cervelet, et même au coeur de l'ADN. L'épigénétique est évoquée à travers la façon dont l'ADN est interprété par le biais de l'activation de certains gènes, une activation qui peut se faire suite à des traumatismes et se transmettre aux générations d'après. Il propose également plusieurs pistes envisageables pour guérir de ces traumatismes. L'une d'elles tient en un mot puissant: l'amour ! Mais il y a également le pardon - "le don de son droit au ressentiment", j'adore cette définition - (sachant que l'on pardonne avant tout pour soi), l'auto-compassion, et même l'humour. Et il y a cette notion de bonheur un peu floue que l'auteur s'emploie à définir en la différenciant du plaisir.
À travers ce livre, c'est des psychothérapies en général que d'une certaine manière Cyril Tarquinio veut prendre la défense, ces disciplines mal reconnues qui orbitent autour des disciplines académiques que sont la psychiatrie et la psychologie, et qui pourtant arborent de plus en plus souvent leur sceau d'honorabilité puisqu'elles font appel à des techniques désormais prouvées scientifiquement comme l'EMDR (dont l'auteur est un précurseur de l'utilisation), les thérapies cognitives et comportementales ou TCC, l'hypnose, les thérapies systémiques... Il est aussi question d'approches alternatives considérées comme des compléments comme l'ethnopsychologie, la kinésiologie, la micro-kinésithérapie ou encore l'EFT, et dont l'auteur recommande de ne pas les juger trop vite non plus.
J'ai beaucoup aimé ce livre, par son côté clair, informatif et assez exhaustif, mais aussi parce qu'il regorge de traits d'humour qui font passer encore plus agréablement le message. Et peut-être parce qu'il vient confirmer une croyance que j'avais déjà avant d'entamer la lecture: celle dans le fait que de nombreuses maladies ne tombent en effet peut-être pas du ciel ! Pour ma part, je le recommande comme un excellent complément des livres du cardiologue mosellan Jean-Pierre Houppe comme Le coeur du bonheur.
Les maladies ne tombent peut-être pas du ciel
Existe-t-il un lien réel entre nos traumatismes d'enfant et les maladies que va déclencher notre corps ? Sans aucun doute. Douleurs chroniques, migraines, crampes au ventre, maux de dos, troubles...