Christophe Fauré - Cette vie... et au-delà

Comme celles et ceux qui me suivent l'auront noté, les Expériences de Mort Imminente (EMI) sont un sujet qui m'intéresse beaucoup. Je lis régulièrement la littérature sur le sujet, essentiellement en anglais et en français, tout en gardant un oeil ouvert sur les publications scientifiques et les articles philosophiques que je croise sur mon chemin. J'essaie de conserver une vision systémique et transversale sur le sujet afin de me construire une opinion aussi étayée et vivante que possible sur la nature de la conscience. Récemment, c'est le livre d'un médecin psychiatre, le docteur Christophe Fauré, paru en décembre 2022 chez Albin Michel, qui a fait du bruit dans le petit écosystème des EMI: Cette vie... et au-delà. Ce n'est pas tous les jours qu'un médecin met son titre en jeu pour se risquer sur le terrain glissant de l'inexpliqué, et c'est la raison pour laquelle je m'y suis plongé.

La première qualité de cet ouvrage est qu'il est très structuré et relativement bien sourcé, ce qui en fait un bon livre pour faire un tour d'horizon du sujet. Evidemment, il y a beaucoup de références communes à d'autres ouvrages du même type, mais ce qui le distingue, c'est l'inclusion des travaux de recherche de Ian Stevenson et de Jim B. Tucker sur les expériences qui suggèrent l'existence de vies antérieures, travaux dont le grand public n'a pas forcément connaissance (c'est en tous les cas l'expérience que j'ai quand j'en parle autour de moi). L'autre qualité de ce livre est qu'il reprend des anecdotes dont le praticien a eu directement connaissance, ce qui apporte une écriture bien vivante.

L'ouvrage aborde la thématique de la continuité de la conscience après la mort sous de nombreux angles testables scientifiquement. Il y a d'abord les EMI d'adultes mais aussi d'enfants, et les EMI négatives, dont les contenus rappellent étrangement l'univers de l'Enfer de Dante. Et les EMI partagées, bien plus mystérieuses, quand plusieurs personnes vivent conjointement une EMI dont seuls certains reviennent après avoir vu les autres passer le point de non-retour. Il est aussi question des expériences de fin de vie (EFV) où des personnes sur le point de mourir commencent à communiquer avec des personnes décédées comme si ces dernières étaient présentes physiquement dans la pièce. Mais il est aussi question de ce très étrange phénomène de lucidité finale, quand des personnes atteintes de troubles très graves de la cognition (comme la maladie d'Alzeihmer) retrouvent une conscience tout à fait normale et peuvent communiquer de nouveau avec leurs proches, généralement quelques heures ou jours avant de mourir. Un phénomène toujours inexpliqué à l'heure actuelle. Et il est aussi question des EFV d'enfants où l'on constate qu'ils sont largement plus sereins que les adultes face à leur mort prochaine. Enfin, les EFV partagées, comme la désormais fameuse expérience du Dr Jean-Pierre Postel où le médecin a assisté avec ses enfants à la mort de son père comme s'il vivait lui-même une EMI.

Cette vie... et au-delà aborde aussi la question des vécus subjectifs de contact avec les défunts (VCSD),  un nom un peu compliqué pour qualifier les apparitions de défunts, qui sollicitent l'un ou l'autre des canaux sensoriels, voire parfois aussi des canaux technologiques comme ces SMS qui semblent venus de nulle part ou ces messages laissés sur répondeur téléphonique.

Et puis, il y a les souvenirs de vies antérieures qui comportent parfois des mémoires de l'entre deux vies, mentionnés un peu plus haut.

Dans une deuxième partie, Christophe Fauré fait un inventaire des explications scientifiques et moins scientifiques apportées à ces expériences. On y retrouve la même rigueur que dans The Self Does Not Die. Cette partie est très intéressante parce qu'elle met en relief le fait que les explications sceptiques isolent à peu près systématiquement certains éléments des expériences, sans les considérer dans leur globalité. Or, c'est très souvent d'un faisceau de preuves dont il est question dans ces expériences, et c'est la faiblesse principale des arguments sceptiques (et la frustration des tenants des hypothèses non physicalistes de la conscience).

Dans une dernière partie, l'auteur aborde les enseignements de ces expériences, et cela touche en plein coeur les questions éthiques liées à l'accompagnement de fin de vie, que ce soit du point de vue des mourants que de celui des proches vivant le deuil. Et de façon plus générale, ces expériences nous enseignent un autre rapport au monde, plus centré sur l'amour, la bienveillance et la compassion, que sur l'accumulation de biens matériels et la compétition. On n'est pas loin de l'invitation par Friedrich Hölderlin à habiter poétiquement le monde. On n'est pas loin non plus des fondations de l'écologie.

Je suis donc vraiment heureux de découvrir un panorama aussi générique et complet dans un livre dont je rejoins les conclusions. Un livre que je recommande, forcément.

N'hésitez pas à compléter la lecture de cette chronique par l'entretien de Christophe Fauré sur la chaîne YouTube de Fabrice Midal.