19 Juillet 2022
L'écologie est un sujet qui relève de l'accessoire pour une grande partie de la population préoccupée par des problématiques à plus court terme. N'ayant pas encore pris conscience des enjeux considérables liés à l'impact de notre rapport au monde sur le vivant, beaucoup de gens se font une idée très caricaturale de l'écologie, pensant notamment qu'il s'agit d'une lubie de quelques bourgeois bohème qui ne savent pas quoi faire de leur temps et qui prennent plaisir à emmerder les honnêtes gens avec leurs idées détachées du monde réel. Greta Thunberg, en dépit d'un soutien sans faille des scientifiques, a ainsi fait les frais de plusieurs campagnes de diffamation assez violentes alors que le coeur de son message était de demander aux personnel politique de tenir compte des conclusions très alarmantes des milliers d'experts du GIEC. Et il n'est pas rare lorsqu'est évoqué le sujet de la décroissance dans les conversations qu'il se trouve des personnes qui s'imaginent devoir retourner à l'ère de la bougie, quand ce n'est pas à l'âge des cavernes. Emmanuel Macron lui-même n'a-t-il pas convoqué l'imagerie de l'Amish pour caricaturer les positions écologistes ?
Aurélien Barrau le dit souvent, le personnel politique n'est pas à la hauteur des enjeux. "Ce sont des bouffons!" est une phrase qui revient souvent quand il donne son avis sur les décisionnaires. Jean-Marc Jancovici fait le même constat: "La connaissance des politiques est nulle en matière énergétique."On se rappelle des mines surprises ou amusées des sénateurs français lors d'une présentation qu'il a faite en 2012 sur la thématique des énergies. La politique française, qui pousse sur un substrat de droit, de macro-économie et d'un fond de philosophie, manque cruellement de formation scientifique. Pourtant, les grandeurs économiques qui soufflent la direction du vent reposent en premier lieu sur des grandeurs physiques. Le négliger, c'est se couper de la réalité et plonger tête la première dans l'allégorie de la caverne de Platon où règnent ces théorèmes économiques qui sont une très vague ombre de la réalité physique. Mais on pourrait tout aussi bien parler de culture hors-sol. Lors, comment s'étonner que la réalité se joue des décisions politiques ?
C'est pour combler ces lacunes que le Shift Project s'est attelé à étudier de près les conditions d'une décarbonation de l'économie - ce qui revient à parler de décroissance matérielle - et a réalisé le Plan de transformation de l'économie française (PTEF) préfacé par Jean-Marc Jancovici et lancé officiellement en février 2022 lors d'une conférence à Sciences-Po. Le Shift Project est un think tank français associatif créé en 2010, intégralement consacré aux questions climatiques et à la décarbonation, envisagées sous l'angle d'une réconciliation entre sciences, ingénierie et économie. S'adressant en premier lieu aux décideurs économiques, le PTEF demeure un document tout à fait accessible pour le grand public et c'est d'ailleurs un succès de librairie puisque les premières éditions ont rapidement été épuisées. On peut y voir là la preuve d'un réel intérêt général et le crédit apporté à cette association brillamment représentée par son président Jean-Marc Jancovici. Le PTEF a également tout ce qu'il faut pour inspirer les pouvoir politiques, puisqu'il inclut à la fois une vision (une décarbonation massive de l'économie réalisée en 25 ans pour plus de résilience et avec la garantie d'une création d'emplois) et une planification de réalisation intégralement chiffrée touchant de nombreux secteurs de la société.
On y retrouve l'intégralité des points présentés dans un précédent ouvrage plus haut niveau du Shift Project: Décarbonons! mais développés dans un cadre cohérent et chiffré. Des milliers d'heures de travail ont été nécessaires à la réalisation collégiale de ce plan qui se veut avant tout pragmatique. Le résultat est une proposition, celle d'une décroissance qui ne se ferait pas au détriment de la qualité de vie. L'accent est vraiment porté sur cet aspect très sensible aux yeux du grand public. L'idée est de garder ce qui est coûteux en termes d'impact environnemental pour les usages vitaux et de décarboner tout le reste. Pour que les lecteurs aient la possibilité de se projeter dans ce nouveau monde, des saynètes concrètes sont ajoutées en fin de la plupart des chapitres pour illustrer comment la décarbonation affecte les usagers.
Le PTEF montre que vivre dans un monde en décarbonation anticipée plutôt que subie n'a pas grand chose à voir avec les peurs de retours aux âges sombres brandies comme des épouvantails par les tenants du capitalisme à tout prix. Ça ferait même plutôt envie! Espérons que la théorie du ruissellement inversée fonctionne, que ce travail exceptionnel qui vient du sol remonte jusqu'à nos organes de décision et que nos gouvernants se montrent à la hauteur pour faire mentir Aurélien Barrau.
Climat, crises, Le plan de transformation de l'... - The Shift Project - Odile Jacob
" La question que nous nous sommes posée peut se résumer ainsi : que faut-il faire pour mettre l'économie française en cohérence avec une baisse des émissions planétaires de 5 % par an, comp...