Décarbonons est le titre d’un livre redigé en 2017 par trois auteurs: Zeynep Kahraman, André-Jean Guérin et Jean-Marc Jancovici, sous l’égide du think tank The Shift Project, dont ce dernier est président. 9 propositions y sont faites aux autorités politiques européenne et française pour réorienter certains secteurs industriels vers une production moindre de gaz à effet de serre identifiés par le GIEC dont l’être humain est responsable d’une grande partie de la production (CO2, méthane et N2O) pour respecter les objectifs de la COP21.
Il y a en premier lieu l’axe de la décarbonation de la production d’électricité (27% du CO2 produit) avec le remplacement progressif des centrales à charbon par des centrales nucléaires et de l’hydraulique (barrages) et le financement 100% public des prototypes de systèmes de captation et stockage du CO2.
Puis il est question des moyens de transport (20% du CO2 produit) et particulièrement des transports routiers (19% du CO2) avec la généralisation des voitures à 2l/100 ou à 50gCo2/km. Une autre proposition concerne l’amélioration des déplacements en milieu urbain avec l’intensification des bus à haut niveau de service, de l’auto-partage, du covoiturage et des systèmes vélo. Une troisième proposition parle du développement à l’échelle européenne des transports en trains rapides qui laissent le plus de temps utile aux passagers.
L’industrie lourde (sidérurgie, ciment et chimie) émet 19% de gaz à effet de serre, essentiellement du CO2. Il serait possible de réduire ces émissions de 40%.
En isolant correctement les habitations construites avant 1990, il y aurait aussi la possibilité de réduire le chauffage responsable de l’émission de 9% de gaz à effet de serre, ce qui serait aussi source d’économies pour les ménages. Il serait aussi question de rénover le parc immobilier public dans ce même sens.
Ensuite est étudié l’impact de la séquestration de carbone par le bois des forêts et la réutilisation de ce bois dans les matériaux de construction. Une idée qui rejoint celle de Gunther Pauli avec l’utilisation du bambou dont la pousse est très rapide à ces mêmes fins.
Enfin, il est question de l’agriculture, de l’élevage et du gaspillage alimentaire (20% des aliments sont jetés en Europe). Il s’agit de limiter l’usage des pesticides, de diviser le gaspillage par deux, surtout au niveau industriel, et de réorienter les consommateurs vers moins de viande pour favoriser la reforestation. Il n’est même pas question de végétarisme, juste de flexitarisme.
Ce livre est adressé au monde politique et est donc formaté de façon adaptée. Pour chaque proposition, deux pages de résumé pour ceux qui n’ont pas le temps de lire, et une vingtaine de pages pour le cahier des charges et les chiffres justificatifs, incluant graphiques et prédictions. Les sommes en jeu sont astronomiques, plusieurs milliers de milliards d’euros, mais elles sont à l’échelle européenne et à répartir sur plusieurs dizaines d’années.
Le livre a toutes les apparences du sérieux et je ne doute pas que les scientifiques du Shift Project ont fait leur travail de façon consciencieuse. Mais, j’ai le fort sentiment que le nombre de variables étudiées est trop faible pour que la valeur prédictive soit précise dans un monde aussi complexe que le nôtre, et qu’il sera très difficile de faire accepter certaines des idées proposées (les centrales nucléaires à la place des centrales à charbon notamment) au grand public. Néanmoins, ce sont là des pistes très sérieuses que j’aimerais voir étudiées de façon plus approfondie, par des scientifiques du public, et non pas seulement par un panel de scientifiques issus pour la plupart du monde industriel (ceux de The Shift Project) et qui sont de fait soupçonnables de partialité et de biais dans leurs propositions.