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Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Philippe Grimbert - Les morts ne nous aiment plus

Dans la vie réelle, Philippe Grimbert est écrivain et psychanalyste. Dans Les morts ne nous aiment plus, son dernier roman (mais peut-être pas son dernier), il met en scène un psychanalyste, Paul, spécialiste réputé du deuil et conférencier sur cette thématique, qui se trouve également être un écrivain, en panne d'inspiration. Philippe Grimbert est également passionné d'informatique. C'est ce dernier point qui le distingue de son personnage - ou devrais-je dire son avatar ? - qui est "un homme du dix-septième siècle égaré au vingt-et-unième siècle", et pour qui les nouvelles technologies relèvent du miracle. De miracle, il sera d'entrée de jeu question lorsque Paul fera un malaise cardiaque dont il se sortira grâce à l'intervention de sa femme Irène, et surtout grâce à l'implant d'un stimulateur cardiaque commandé à distance par son médecin.

Mais Irène ne va pas bien, peu de temps après, souffrant d'une dépression profonde, elle va choisir de se donner la mort. Le psychanalyste expert en gestion du deuil va alors devoir faire face à cette épreuve, connaître la véritable expérience du deuil. Sa femme et lui formant un couple fusionnel, Paul sombre à son tour. Il s'avère absolument incapable de faire le deuil.

Une fois de plus, ce sont les nouvelles technologies qui viendront à son secours, et en particulier une application qui utilise l'intelligence artificielle développé par Ternity, une startup. Et la vision de cette société, c'est que les derniers progrès en IA, la puissance des serveurs ainsi que la possibilité de stocker des données sur le cloud, permettent désormais de redonner vie, au moins virtuellement, aux personnes décédées, dans le but d'alléger la souffrance du deuil des utilisateurs de ce marché des inconsolables. Après quelques réticences initiales, Paul finira par céder à l'appel des sirènes, et moyennant une somme d'argent conséquente, après le délai nécessaire pour traiter les données à propos d'Irène, le miracle de Lazare va se produire. Un soir, l'avatar de sa femme l'appelle et apparaît sur l'écran de l'ordinateur. Parfaitement réalisée, elle est capable de tenir des conversations soutenues et Paul ne va plus voir la différence. Tout en sachant que ce n'est pas elle, il va plonger dans cette opportunité de prolonger son histoire d'amour au quotidien et de lui dire tout ce qu'il n'a pas eu le temps de lui dire. Son coeur artificiel va "désormais battre pour une femme virtuelle". Si les choses se passent bien au début, c'est sans compter sur les forces souterraines de l'inconscient qui referont surface.

Dans la légende, Orphée avait tenté de faire sortir Euridyce, sa femme décédée, des enfers. Mais, cette entreprise s'était soldée par un échec sur un "acte manqué de l'amoureux désespéré", comme pour souligner le caractère contre-nature de la résurrection. Mais les technologies n'ont que faire des mythes et les comités d'éthique ont systématiquement des années de retard sur elles. S'il y a un marché, il se trouvera toujours un Elon Musk pour proposer de dépasser le tabou absolu du retour de la mort. Les startups profitent des vides juridiques et déontologiques pour mettre le monde devant le fait accompli, ce qui fait parfois bouger les lignes de la société.

Philippe Grimbert explore avec une légère avance sur la réalité l'intrusion de ces nouvelles technologies dans le processus de deuil. Livrés à eux-mêmes face à la mise en abyme de Les morts ne nous aiment plus, qui brouille la ligne de démarcation entre fiction et réalité, les lecteur.rice.s vont devoir se forger leur opinion propre. Et c'est une bonne chose car la réalité nous rattrape déjà. Microsoft a déposé en 2017 un brevet portant sur la possibilité de proposer un avatar interactif de personne décédée, qui repose sur la puissance des deepfakes. L'idée est dans l'air, et il est possible de la réaliser. On peut déjà bien assister à des concerts d'hologrammes de chanteurs morts depuis plusieurs dizaines d'années. Alors, bonne ou mauvaise idée ? Le débat est ouvert.

Philippe Grimbert - Les morts ne nous aiment plus
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