30 Septembre 2021
Isabelle Mutin est une auteure que je ne connais que depuis peu, à travers les réseaux sociaux sur lesquels elle publie régulièrement des extraits de ses livres, et dont certains m'ont mis l'eau à la bouche. Je me suis ainsi rendu au stand des éditions Mutine lors du festival Livres en Vignes, où, de façon fort opportune, j'ai pu rencontrer l'écrivaine en chair et en os qui représentait chaleureusement les ouvrages publiés par sa structure associative bourguignonne. C'est là que j'ai acheté son livre le plus récent: Finis Terrae. D'une part parce que c'est un appel du corps au travers de mes origines bretonnes. D'autre part parce que cette Thulé de l'ouest de la France me semble un territoire propice à toutes les poésies et que j'étais curieux de voir ce que cette plume intuitée en ligne pourrait exprimer une fois posée dans l'écrin finistérien.
Finis Terrae, publié en 2019, est un recueil de six nouvelles entremêlées, qui se déroulent dans le Finistère - la fin des terres - comme le titre l'indique. Ce territoire frontière entre le fini et l'infini, entre l'eau, l'air et la terre, se prête bien volontiers aux allégories, et en particulier à l'exploration de la séparation poreuse entre morts et vivants. C'est cette voie qu'explore Isabelle Mutin avec des morts qui ne le sont pas tout fait, et certains vivants qui ne le sont presque plus. Dans tous les cas, la mort n'est jamais vraiment loin dans ce Finistère habité par les spectres, où l'alcool assassine ou suicide, où les âmes pures sont des médiums, où même les fourmis en surnombre sont condamnées, où parfois les vivants sont présumés ne plus l'être.
Le Finistère sauvage est certainement le personnage principal de ce livre. Les descriptions des rivages de l'île d'Ouessant sont empreintes de poésie, l'effet de l'oeil amoureux de l'auteure. Et certains des personnages s'évertuent même à en restituer la beauté comme ce photographe qui essaie d'en capturer des instantanés - "la sensualité du Finistère me fait frissonner" - sans être complètement satisfait parce que "la quête de l'éphémère est une quête impossible". Ou encore ce vieux peintre insulaire en panne d'inspiration qui vit au milieu d'une "beauté à couper le souffle", où le paysage est parfois aussi fantomatique que les fantômes qui l'habitent.
Des six nouvelles, c'est Soren Malsor qui m'a le plus touché, par la souffrance consécutive au deuil de l'être infiniment aimé, par la médiumnité à travers l'art, par l'inspiration d'un peintre intuitif qui revient de manière magistrale lors de l'exécution de sa dernière oeuvre. Mais il y a surtout ces paysages omniprésents, cette écriture très sensuelle qui donne vie aux embruns, souffle le vent, répand la fraîcheur d'un air saturé de brume. On retrouve cette poésie contemplative dans La dame aux éphélides qui vient conclure le recueil, toujours en territoire de médiumnité, et en réponse à la nouvelle d'ouverture Le cri du vent.
Les autre nouvelles Athénaïs, Le cimetière des fourmis et Mea culpa ne m'ont en revanche pas beaucoup plu. Il m'a semblé retrouver un arrière-goût d'Amélie Nothomb avec l'omniprésence des dialogues et une galerie de personnages un peu trop caricaturaux à mon goût, le tout mâtiné d'une écriture factuelle, moins fulgurante, et d'un style plus désinvolte. Tout cela est évidemment très subjectif, mais si je dois recommander Finis Terrae, c'est surtout pour la poésie et la force émotionnelle qui se dégagent des trois autres nouvelles, au point de me donner envie de retourner en Bretagne!
FINIS TERRAE d'Isabelle Mutin - Les Editions Mutine
LIVRE BROCHÉ - FORMAT 14,5 X 20,5 - 170 PAGES - NOUVELLES - PRIX : 18€ " La première fois que je la vis, c'était un mercredi soir. Parmi les nuances de gris du ciel, le soleil tentait une ul...
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