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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Jérôme Attal - Petit éloge du baiser

Rencontré au salon Livres en Vignes, rarement un écrivain ne m'aura laissé une telle impression d'incarner l'élégance. Étrangement, je suis bien en peine d'expliquer pourquoi. Peut-être est-ce la douceur de l'esquisse du visage féminin qu'il a dessiné au fusain pour dédicacer l'un de ses livres jeunesse pour ma fille ? Peut-être le choix de ses mots ? Le timbre de sa voix posée et calme ? Deuxième livre que je lis de Jérôme Attal en quelques jours, le Petit éloge du baiser, que j'ai eu la chance de lire en avant-première, vient complètement confirmer cette impression, ainsi que la sensation que voici là un grand écrivain français, capable d'insuffler de la poésie dans le quotidien avec la supériorité intemporelle du noir et blanc sur le tirage couleur.

Le fait que cet éloge sur le baiser soit écrit par un homme ayant patienté jusqu'à l'âge adulte à Paris, la capitale du baiser, pour sentir la pression d'autres lèvres sur les siennes n'est sans doute pas étranger à la puissante poésie qui se dégage de ce livre. L'attente déçue prenant les atours de la patience est un creuset à la réflexion, à l'observation, au désir, et une initiation à la sensibilité, surtout pour un romantique qui a découvert sur le tard que sa timidité chronique devenue effacement pouvait être une force, un raffinement digne de l'impressionnisme japonais. Le fait que ce livre ait été écrit pendant le confinement, tandis que les bouches étaient masquées et inaccessibles, ajoute une tension dramatique et sensuelle supplémentaire à l'écriture.

Pour Jérôme Attal le baiser est supérieur à la relation sexuelle, et à la relation tout court, dont il est souvent le prélude ou le brasier, parce qu'il contient en germe toute la suite, parce qu'il est "la quête et le Graal", parce qu'il est la clé de la porte d'entrée vers l'intégralité de l'autre, parce qu'il y a tout un langage de la découverte, à la fois silencieux et assourdissant, dans ce choc des lèvres et dans cette extase des langues, parce qu'il "donne aux heures qui suivront une couronne invisible", qu'il fait exister, qu'il "fait du trapèze sur l'instant". Et nous reviennent les paroles de la Shoop Shoop Song de Cher (If you wanna know if he loves you so, it's in his kiss) qui rappellent combien le baiser ne ment pas.

Mais attention, un baiser ne se prend pas, il se reçoit! Comme Keith Richards, Jérôme Attal répugne à prendre, et il veut que le baiser reçu soit le résultat d'un désir de tout l'être en pleine conscience. L'ancien timide est encore un peu aux commandes.

Le Petit éloge du baiser est un essai littéraire de haute volée, qui explore le baiser, tout en délicatesse - à l'image de cette esquisse sur la couverture - en suivant les cahots passés des montagnes russes amoureuses de son auteur. Il en aura fallu des baisers (clandestin, trompette de Chet Baker, ruban, compliqué, entre les pages, océan, invisible, de rattrapage, liste non exhaustive...) pour conclure qu'il "faut beaucoup embrasser parce que cela nous permet d'aller de l'avant". En toute simplicité.

Jérôme Attal - Petit éloge du baiser
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