17 Septembre 2021
Cécile Coulon est romancière le jour, parce que c'est son métier. Mais quand vient le soir, après sa journée de travail, après les lectures abondantes - parce que l'on est ce que l'on lit - après la course à pied - parce qu'un esprit sain dans un corps sain - le soir donc, Cécile Coulon se connecte aux muses pour accéder aux huiles essentielles de l'écriture et part en chasse de ces fulgurances papillons de nuit qui composent ce que faute de mieux on appelle poésie. Et la nuit le lui rend bien. Qu'elle soit dans une chambre d'hôtel, un train, dans une friterie en bas de chez elle, la nuit bienveillante lui porte conscience.
Un poème accouché tous les trois jours sur les réseaux sociaux qui s'en va vivre sa vie d'akène et polliniser les coeurs sensibles pour y faire pousser la beauté, l'indulgence, l'amertume ou le pardon. On est en 2021, il faut bien vivre avec son temps, le temps des channelings hugoliens et des tables tournantes est bien révolu. La poésie réside et résiste désormais sur Facebook et sur Twitter. De la poésie en 2021 ? Absolument! Parce qu'il règne un immense malentendu sur la chose, le grand public se méprend trop souvent. La poésie n'est depuis longtemps plus affaire de rimes et de nombre de pieds, elle s'est affranchie des contraintes muséales pour transmettre toujours mieux les émotions, au delà des mots, comme l'ayahuasca qui provoque des visions au delà des deux plantes inoffensives qui le constituent. La poésie nous ramène à l'essentiel de la littérature, elle est grand oeuvre sur l'inconscient, agit malgré nous et nous transforme. Cécile Coulon incarne cette poésie plus vivante que jamais. Son précédent recueil, Les Ronces, s'est écoulé à 15.000 exemplaires. Un record!
Je suis entré dans Noir volcan par le poème intitulé Pardon, lu par son auteure dans le cadre d'une conversation aux Bibliothèques Idéales à Strasbourg. Coups de rasoir à l'âme, lame de fond, je n'ai pas vu le choc venir. Une salle complète réduite au silence. Comme aurait pu le dire Sacha Guitry s'il n'avait pas été aussi misogyne, le silence qui suit un poème de Cécile Coulon est encore de Cécile Coulon. Le temps que l'arbitre compte jusqu'à dix et que les quidams boxeurs se relèvent pour reprendre leur vie là où elle s'était arrêtée. Les poèmes de Noir volcan me rappellent ceux de Joni Mitchell. Il y a une sororité magnifique entre ces deux là, une inspiration qui se puise dans le quotidien "au bord des existences voisines de la mienne", des histoires d'amour qui se brisent, l'absence de jugement, une certaine résignation devant l'imparable complexité des relations humaines, et cette nature omniprésente. Du sifflement des champs de l'été pour l'une aux volcans géants endormis de l'Auvergne pour l'autre, il s'est écoulé une cinquantaine d'années, mais pour les deux, l'accès au ciel se fait les deux pieds fermement ancrés dans la terre.
Noir volcan se conclut sur une magistrale Douceur, et nos paupières peuvent enfin se rejoindre.