Betty J. Eadie - Dans les bras de la lumière

Il arrive parfois que des livres ne suivent pas un chemin en ligne droite pour arriver entre nos mains, mais qu'ils suivent une trajectoire digne du Poney Express, passant de relais en relais avant d'arriver à leur destinataire. Dans les bras de la lumière de Betty J. Eadie m'a été remis en mains propres par une amie qui connaît mon intérêt pour le sujet des expériences de mort imminente (EMI) et qui a été interpelée près d'une boîte à livres par un homme âgé prénommé Jean. Cet homme lui a dit qu'il y avait des livres intéressants sur la spiritualité cette semaine, et notamment un qui raconte une expérience que lui-même a vécue il y a près de quarante ans: une EMI. Elle l'a donc pris pour me l'offrir!

A l'origine publié en 1992, ce livre est un témoignage à la première personne d'une EMI vécue le 18 novembre 1973 par une Américaine profondément religieuse, élevée dans la rigueur du christianisme de la Bible Belt, où il n'était pas rare en tant qu'enfant de subir d'authentiques maltraitances par les religieuses de la communauté. Au nom de Jésus, cela va de soi. Septième enfant d'une fratrie de dix, ses parents - une mère indienne de l'ethnie Sioux, un père d'origine irlando-écossaise - se séparent alors qu'elle est seulement âgée de quatre ans. Avec cinq de ses frères et soeurs, elle se retrouve envoyée dans un pensionnat catholique. Dès leur arrivée, les garçons sont séparés des filles, sans égard pour les liens familiaux. Qui plus est, du fait de leur ascendance sioux, les religieuses qui gèrent la discipline la persuadent qu'elle est une pécheresse païenne par essence, ce qui justifie qu'elles soient régulièrement battues avec un tuyau et qu'elles doivent ensuite émettre des remerciements pour ne pas prendre une nouvelle "correction". C'est sous ces auspices qu'elle fait la rencontre avec ce dieu de pensionnat qui, à l'image des religieuses, n'est que colère, impatience et toute-puissance, et qu'en conséquence, elle souhaite ardemment ne jamais rencontrer. Signe des négligences qu'elle subit, dès le premier hiver, la jeune Betty contracte une coqueluche doublée d'une pneumonie non soignée qui va l'emmener aux frontières de la mort. Dans ces circonstances, elle vit ce qui semble être une EMI, se retrouvant hors de son corps dans les bras d'un homme dont la barbe émet une lumière blanche, qui la rassure et qu'elle aimerait ne plus quitter. Un premier contact avec un ailleurs, avec un amour bienveillant diamétralement opposé à ce qui est enseigné par l'exemple dans son école.

A quinze ans, elle quitte les établissements religieux, persuadée qu'elle mérite l'enfer et qu'elle est indigne de Dieu, pour intégrer la communauté Sioux de sa mère. Elle tombe très rapidement amoureuse du garçon d'en face et se retrouve mariée avec lui quelques mois plus tard. Six ans et quatre enfants plus tard, elle divorce, rencontre alors Joe, un homme prévenant et tendre, de la même communauté religieuse, qui deviendra l'homme de sa vie et avec qui elle aura encore deux enfants.

C'est lors d'une opération supposément sans grand risque, une hystérectomie, qu'elle a une hémorragie interne et se retrouve aux frontières de la mort une nouvelle fois. Hors de son corps et sans la moindre sensation de douleur, elle se voit simultanément de dos, de face et des deux profils. Et surtout, elle découvre qu'elle n'est pas seule dans la pièce: trois hommes, des moines, sont avec elle et engagent la conversation par la pensée et par les émotions pour lui expliquer qu'ils ont toujours été là "depuis des éternités". Puis, pensant soudainement à sa famille, elle se retrouve en un instant dans son salon, à observer son mari et trois de ses enfants dont elle entrevoit le futur et pour qui elle comprend qu'elle ne doit pas s'inquiéter.

L'EMI prend ensuite une tournure plus classique: elle traverse un tunnel sombre, aperçoit une lumière au loin qu'elle rejoint. Cette lumière est infiniment aimante, elle provient d'un être qu'elle reconnaît: Jésus-Christ, qui lui dit que sa mort est prématurée, que son heure n'est pas encore venue. Face aux myriades de questions qu'elle lui pose, cet être lui répond, parfois avec humour. Elle apprend que la diversité des religions est nécessaire pour proposer des chemins adaptés aux différents niveaux d'évolution des individus, que "nous générons nos punitions par les actes que nous commettons" (une vision très karmique du monde), que nous devons harmoniser totalement l'esprit, le corps et l'âme, que le mal et le bien sont deux énergies complémentaires et nécessaires, que les mots, les désirs, les pensées et les intentions ont une action objective et physique comme la guérison de l'âme guérit le corps, que l'imaginaire est la clé de la réalité. Et surtout, que l'amour est suprême. Elle apprend "à sa grande surprise" que "la plupart des gens avaient choisi les maladies dont ils souffriraient, et, dans certains cas, celles qui les emporteraient." Elle comprend que chaque expérience désagréable de vie est source d'enseignement, qu'il ne faut pas céder à la culpabilité, à la peur et au désespoir, et surtout éviter le suicide.

Puis, après avoir retrouvé deux amies qu'elle n'avait pas vues depuis avant sa naissance, elle visite une grande bibliothèque et quantité d'autres lieux dont elle ne conserve pratiquement aucun souvenir. Elle accède à l'intégralité de l'histoire de l'univers, à d'autres planètes situées dans d'autres galaxies, habitées d'autres êtres pensants et sensibles. Elle voit des âmes organiser leur naissance prochaine après avoir fait le choix consentant de s'incarner parce que chaque expérience terrestre est une école. Chaque mort est planifiée avant la naissance, et "naître, c'est s'endormir et oublier." On lui montre que chaque être est constitué d'une lumière éclatante, même le dernier des ivrognes, que tout le monde est digne d'amour. Elle assiste également à un spectacle: celui des prières émises depuis la Terre qui lui apparaissent sous forme de faisceaux plus ou moins lumineux selon la pureté et la force de l'intention avec laquelle elles sont formulées. Elle voit des myriades d'anges répondre à toutes celles qui expriment un désir réel.

Elle assiste aussi à une revue de vie, revoit le film de sa vie en ressentant de l'intérieur l'impact que ses actions ont eu sur son entourage, et porte elle-même un jugement. Finalement, pour lui faire comprendre pourquoi elle doit retourner sur Terre, il lui est expliqué le sens de sa mission. Comme une ultime vision tandis qu'elle oscille entre les deux mondes après avoir réintégré son corps, elle aperçoit une petite fille de deux ou trois ans qui entre dans sa chambre, qu'elle est la seule à voir, qui marche sur la pointe des pieds et qui vient se positionner en danseuse contre son mari. Quelques années plus tard, elle adopte une petite fille et la scène reçue en vision se produit dans la réalité: elle reconnaît l'enfant. Non seulement ça, mais elle reconnaît l'une des femmes qui l'avaient accompagnée pendant son EMI.

La conclusion de son expérience est qu'elle vouera tout le reste de sa vie à aimer, à incarner l'amour et à le diffuser autour d'elle.

Cela peut ne pas paraître très sérieux, je le conçois aisément, mais j'accorde de l'importance au fait que ce livre se soit retrouvé dans mes mains par un chemin aussi inattendu. J'avoue que je ne l'aurais jamais acheté ou lu autrement, parce que j'éprouve beaucoup de réticences face à ce qui relève du religieux, en particulier face aux religions monothéistes que je considère comme de la spiritualité Mc-Do prête-à-consommer. Je suis personnellement agnostique, animé par l'approche scientifique et la plupart des "enseignements" des religions ne me parlent pas. Pour autant, je ne suis pas resté insensible à certains des messages de ce livre, surtout quand ils se détachent de ce qui est traditionnellement associé au christianisme. Si l'on fait abstraction des moments où il est question de Satan et de Jésus-Christ, je trouve que le fond est vraiment riche et intéressant. Au fond, ce livre vient confirmer ce qui était déjà largement développé par les Beatles à travers une devise que j'ai faite mienne depuis bien longtemps: All you need is love!