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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Rufin, Jean-Christophe - La princesse au petit moi

Jean-Christophe Rufin est un auteur que j'apprécie tout particulièrement. L'AbyssinSauver Ispahan, Rouge Brésil, Le parfum d'AdamGlobalia, Un léopard sur le garrot, Check-point, Le tour du monde du roi Zibeline sont autant d'oeuvres qui m'ont touché, m'ont fait voyager sans bouger, dans le temps et l'espace, et m'ont transporté par les thèmes abordés, qui font la part belle à l'histoire, à l'écologie, et à la géopolitique, sans concéder ni au style, ni au rythme. De l'infatigable érudit, je n'ai pas tout lu et c'est une bonne chose parce qu'un livre de lui, c'est comme un grand cru que l'on garde à la cave, la quasi garantie d'un plaisir fin à venir, un bonheur fin anticipé par mon cortex cingulaire

Je me réjouissais donc à l'avance de ce nouveau livre, La princesse au petit moi, dont je n'avais pas conscience qu'il fait partie d'une série récente (Le suspendu de Conakry - 2018, Les trois femmes du consul - 2019, et Le flambeur de la Caspienne - 2020) dont le personnage principal est un petit consul français d'origine roumaine, qui a conservé un très fort accent de son pays, un anti-héros de petite taille et à la calvitie avancée, à la tenue vestimentaire plus proche de l'univers des Deschiens que du dress code des ambassades, une sorte d'André Balanéo à la carrière médiocre muté de consulat en consulat au gré d'une incompétence cultivée. Aurel Timescu - c'est son nom - a deux talents: c'est un excellent pianiste capable de grandes envolées musicales improvisées, mais c'est surtout quelqu'un capable de mener des enquêtes d'une main de maître et de résoudre des énigmes. Son secret ? La capacité à se plonger dans un état de conscience altéré par l'usage immodéré du Tokay conjugué à des improvisations pianistiques, une sorte de demi-sommeil éthylique et artistique qui est le terrain de jeu où les idées s'associent de manière décisive dans l'avancée de ses enquêtes. Dans La princesse au petit moi, Aurel Timescu va tenter de résoudre le mystère de la disparition d'une authentique princesse d'un micro-état européen fictif voisin de l'Autriche et de la Suisse, le Starkenbach, une sorte de jumeau du Lichtenstein. Une enquête qui le fera passer par Paris et par la Corse.

Je me réjouissais à l'avance, disais-je, en allant récupérer ce grand cru littéraire qui portait l'étiquette d'un producteur libricole de renom, fleuron de la culture française, et élu de l'Académie Française occupant le fauteuil de feu Henri Troyat. Malheureusement, et dès l'ouverture, c'est d'un beaujolais nouveau qu'il s'agit. Certes, il y a des beaujolais nouveaux un peu meilleurs que les autres, mais on ne peut pas dire que ces bouteilles nous emmènent très haut, contrairement au Tokay qui ponctue le livre des illuminations qu'il fait vivre à son personnage. En contraste criant avec les ouvrages cités en ouverture, l'écriture est facile, le style quelconque, la poésie absente, et l'enquête se résout sans le moindre coup de théâtre. Une grande ligne droite de 380 pages dont on ressort distrait, mais pas enrichi. Un téléfilm qui ne rechigne pas à puiser dans la caricature: le Roumain qui roule les r et semi-alcoolique, le Corse fier et semi-bandit, la Syrienne exagérément hommasse qui ne conjugue jamais ses verbes. Ça ne me gênerait pas si c'était signé Mary Higging Clark ou Bernard Werber, mais c'est du Jean-Christophe Rufin!

Certes, après avoir mené plusieurs carrières de front, et avec un niveau d'écriture qui a côtoyé les sommets avec une régularité hors du commun, l'académicien a largement gagné le droit de se reposer, de faire oeuvre dilettante, de pêcher par facilité, d'aller chaluter sans chahuter le grand public. Après tout, Mozart a eu aussi ses relâchements et ces musiques ont connu un grand succès posthume auprès des régies publicitaires. C'est humain. Décevant, mais humain.

Je ne lirai donc pas les autres tomes de cette série, mais je continuerai d'envisager avec gourmandise les autres livres de lui que je n'ai pas encore lus. Cette bouteille à l'amer sera vite oubliée. Cette chronique bien peu diplomate vis-à-vis de mon diplomate préféré aussi.

Rufin, Jean-Christophe - La princesse au petit moi
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