29 Juillet 2019
Zoom avant sur la Moselle pseudonymisée des années 1992-1998 de Leurs enfants après eux de Nicolas Mathieu. Un univers post-industriel où le rêve n’existe plus pour se projeter dans des futurs possibles, où la naissance est malédiction, où l’avenir est prédéterminé, où les adultes picolent, pendant que les jeunes se défoncent, et que les vieux s’effacent. La fermeture des usines et le développement des zones commerciales a entraîné la fantômisation des villages ouvriers alentour, et le craquage du tissu social.
C’est dans cet univers de fin du monde que l’on suit dans ce roman choral le quotidien d’une jeunesse qui vit dans la pitié ou la honte de ses parents, qui s’entrechoque, qui confond force et colère, qui baisotte sans amour, et qui voit les quelques perspectives qui lui restent disparaître peu à peu face à l’implacable réalité. Il y a du Zola dans cette fresque sociale, de la Fureur de vivre, et un sentiment de tristesse qui persiste une fois ce livre refermé. Je repense à ma première impression quand je suis arrivé dans cette région il y a plus de 20 ans face aux hauts-fourneaux et aux quartiers en déshérence, aux mille anecdotes de mes amis qui ont grandi à Sarreguemines ou à Verdun, à ceux et celles qui ont connu les ravages de l’ennui, des petits trafics, de la dope et de l’alcool dès l’enfance et qui en restent profondément marqués...
Ce livre invite à insuffler de l’espoir dans les zones dévastées, dans ces villages de plus en plus nombreux où les pancartes à vendre font office de centre ville. Certes il y a urgence climatique, mais ce livre me fait prendre conscience qu’il y a une autre urgence, bien plus discrète celle-là, celle de tout faire pour que la lumière naturelle des enfants qui s’obstinent à survivre dans ces lieux ne s’éteigne jamais, pour que soit brisé le cercle vicieux et que leurs enfants après eux ne périssent plus comme s’ils n’avaient jamais existé.