Jusqu'à Le fait du prince, j'avais tout lu d'elle et je faisais partie des personnes qui à chaque rentre littéraire achetaient le dernier Amélie Nothomb. Mais il y a 10 ans, je me suis lassé de cette alternance entre tranches de vie autobiographiques et fictions adulescentes khâgneuses, et me suis dit que je ne me laisserais plus emporter par le courant moutonnier. Ma surprise de voir Soif, son dernier livre, figurer dans la première sélection du prix Goncourt a eu raison de mes résolutions tant je me suis dit que peut-être elle avait passé un cap qui la rendrait de nouveau intéressante à mes yeux.
L'avantage avec elle, c'est que chacun de ses livres se lit en moins de deux heures. La fin est proche du début comme diraient les deux vieux du Muppets Show. Je pense que c'est l'une des raisons principales de son succès, si ce n'est la principale. Je me suis donc plongé le temps d'une apnée dans cette revisite de la passion du Christ en forme de prosopopée à la tonalité contemporaine, une revisite de l'histoire avec un arrière-goût de Kaamelott qui, avouons-le, n'est pas pour me déplaire. Il y a un peu du "Dernier jour d'un condamné" aussi dans ce journal des ultimes souffrances d'un fils de Dieu qui n'en est pas moins homme, et de ce fait, supérieur à son père par l'expérience. Il y a aussi un fond de "La vie de Brian" dans ce malentendu aux atours de conte. Et comme avant, j'y retrouve quelques belles fulgurances d'esprit.
J'ai l'impression qu'en 10 ans, son style s'est allégé, que son écriture fictionnelle est beaucoup moins laborieuse, et qu'elle a enfin retiré sa casquette (ou son chapeau devrais-je dire) de dialoguiste. Il me semble qu'elle a insufflé dans sa fiction le parfum d'évidence qui me faisait systématiquement préférer ses romans autobiographiques. Pour autant, de là à envisager le Goncourt, je pense qu'il y a un monde. Bien que je ne porte pas particulièrement les prix littéraires dans mon coeur, je crois qu'il existe de nombreux.ses écrivain.e.s contemporain.e.s qui méritent de prendre la lumière avant Amélie Nothomb.
En ce qui me concerne, je trouve que Soif est plus de l'ordre du divertissement que du roman qui élève. Agréable, sans plus. Ç'aurait pu être écrit par Jean Teulé, et ce n'est plus ce que j'attends de la littérature, pourvoyeuse pour moi d'une combinaison de beauté, d'information, de fulgurance, de poésie, et de dérangement.
Je vais donc laisser passer encore une dizaine d'années avant de lire son prochain livre.