Mallory Clément - Parapsychologie, démystifier le pseudo-scepticisme

C'est encore dans le cadre du Festival des Anomalies organisé par l'association AnHomalies que j'ai pu rencontrer l'auteur Mallory Clément et découvrir son dernier ouvrage en date Parapsychologie - Démystifier le pseudo-scepticisme. Le titre a immédiatement résonné en moi, en particulier ce néologisme de pseudo-scepticisme, parce que c'est une notion pratiquement impensée à laquelle j'adhère depuis longtemps sans la nommer. J'ai en effet souvent fait le constat que des sceptiques auto-proclamé.e.s ne connaissaient pas très bien leurs dossiers et n'hésitaient pas à avoir recours aux sophismes, parfois même alors qu'ils mettent en garde contre leur usage. Je suis notamment membre d'un groupe de zététiciens sur Facebook depuis plusieurs années (et j'ai également été plusieurs années utilisateur du forum des sceptiques du Québec), et j'ai observé empiriquement que cette population ne semble majoritairement pas plus consciente de ses propres biais que les communautés qu'elle critique. Ce qui me gêne le plus dans cette attitude, c'est le fait que nombre de ses membres se réclament de la science, tandis même qu'ils ou elles n'en suivent pas la rigueur. Pour être tout à fait honnête, je fais un constat absolument similaire avec un bon nombre de tenants des thèses marginales ou tout à fait alternatives qui ont tendance à rejeter en bloc ce qui se réclame de la science, ou qui a minima appliquent un double standard face aux faits et aux théories.

Ainsi, j'aime avoir un pied de chaque côté du front des idées, entre zézés (pour les tenants de la zététique) et zozos (pour les tenants de l'ésotérisme) pour croiser mes sources et écouter les arguments des un.e.s et des autres. Je dois ce rapport à la vérité à mes formations scientifique et journalistique où la question de l'impossible objectivité faisait l'objet de cours. Ce type de positionnement me semble sain et nécessaire, et je regrette que si peu de personnes affichent cette prudence préalable à toute prise de position.

Depuis quasiment un siècle, la parapsychologie a des rapports compliqués avec la communauté scientifique, et particulièrement avec le monde académique. Ces derniers ont longtemps reproché à la parapsychologie de ne pas être assez sérieuse et rigoureuse, de ne pas être à la hauteur quand des affirmations extraordinaires nécessitent des preuves extraordinaires. Or, avec les années, les parapsychologues ont affûté leurs couteaux au point de mettre en place des protocoles bien plus rigoureux que ce qui se fait dans la science normale (normale selon la terminologie de Thomas Kuhn), avec notamment un recours au double aveugle très supérieur. Le niveau de signification statistique est poussé jusqu'à un écart-type de sigma 7, un niveau qui répond très largement aux critères de l'extraordinaire.

Or, comme le relève le psychologue chercheur Renaud Evrard, spécialiste en France de l'anomalistique, le temps n'est plus à la discussion argumentée entre parapsychologues et sceptiques. Pour lui, il y a "une indifférence générale face au niveau de preuve incroyable", une attitude qu'il trouve "scandaleuse sur le plan scientifique". Dit autrement, les preuves extraordinaires sont là, mais l'académie détourne le regard et les communautés de sceptiques font le travail de debunking (de l'anglais debunk qui signifie démystifier, extraire le non-sens) en utilisant des arguments à faible valeur scientifique comme le rasoir d'Ockham ou laissent les discussions en lettre morte. On pourrait presque parler de mépris. Rares sont les sceptiques qui respectent la rigueur du scepticisme, laquelle implique une certaine ouverture face aux assertions des parapsychologues et nécessite une connaissance sérieuse des dossiers.

Mallory Clément s'attelle donc à dénoncer ce qu'il qualifie de pseudo-scepticisme dans cet ouvrage publié en avril 2025 chez JMG éditions. Et je dois bien admettre que ça fait du bien de lire des contenus argumentés. Il fait ce constat troublant que très peu de sceptiques et de zététiciens publient quoi que ce soit dans des revues à comité de lecture. Cette absence de publications est un indice fort du fait que le pseudo-scepticisme est une forme de croyance, un Canada Dry de science. Parmi les rares qui le font figurent le psychologue Christopher French et la parapsychologue Susan Blackmore, pour qui j'ai une affection particulière du fait des rencontres que j'ai eues avec eux dans le cadre du tournage du film Témoins de Sonia Barkallah et surtout du fait de leur maîtrise des dossiers. Ils incarnent pour moi ce qu'un sceptique véritable doit être: rigoureux et honnête intellectuellement.

Mallory Clément note certaines pratiques des pseudo-sceptiques comme une forme de cancel culture sur Wikipedia opérée par des groupes de type Guerrilla Skepticism on Wikipedia mené par Susan Gerbic. Mais il cite encore le recours à la calomnie, au cherry-picking (je l'ai également amplement constaté), à l'accusation de complotisme, au bannissement des contradicteurs. Parmi une multitude d'autres pratiques d'anticorps du système scientiste en place.

Parapsychologie - Démystifier le pseudo-scepticisme est une lecture dont les contenus sont bien étayés et argumentés. Je suis curieux de connaître l'impact de ce livre parmi les communautés de sceptiques. En tout état de cause, ce diagnostic devrait à la fois heurter les sensibilités mais surtout - je l'espère - provoquer quelques prises de conscience préalables à une meilleure pratique d'un scepticisme bienveillant absolument nécessaire à la pratique de la bonne science.