Stéphane Allix - Extra-terrestres, l'enquête

Après avoir lu les ouvrages les plus récents de Stéphane Allix, je me suis replongé dans son premier livre abordant un thème de l'inexpliqué: Extra-terrestres, l'enquête. En premier lieu, parce que le sujet m'intéresse depuis l'enfance, cette période où j'ai découvert les livres de mon grand-père maternel que j'ai lus et relus (c'était le temps d'avant Internet et les jeux vidéo!) ainsi que ceux de mes parents. Ensuite, pour voir si, à titre de curiosité personnnelle, le journaliste avait déjà en 2006, date de parution de livre, le style d'écriture gonzo qu'il a depuis quelques années et qui n'est pas pour rien dans le succès qu'il rencontre en librairie. Je répondrai très vite à cette question par l'affirmative. Ce travail d'enquête est fortement teinté de réactions émotionnelles et de réflexions personnelles de l'auteur en cours d'écriture, ce qui fait que les extra-terrestres et Stéphane Allix se partagent en fin de compte le premier rôle du livre. À cela se rajoute une construction qui emprunte certains procédés stylistiques comme les cliffhangers à des auteurs de fiction à succès comme Dan Brown ou Bernard Werber. Je ne suis pas terriblement adepte de ces artifices un peu faciles et c'est ce qui me gêne finalement le plus dans les livres de cet auteur, même si je peux comprendre que du nombre d'exemplaires vendus dépendent les possibilités de continuer dans la même veine. L'écriture plus commerciale qu'académique met l'accent sur le sensationnalisme ce qui, de mon point de vue, ne joue pas vraiment en faveur de la vérité.

Ces précautions introductives étant dites, il n'en demeure pas moins que c'est un travail d'enquête sérieux de plusieurs années qui est présenté. Tout commence alors que Stéphane Allix réalise un reportage pour Arte à propos du karmapa, cette personnalité du Tibet qui en 1999 a échappé à la surveillance des militaires chinois pour rejoindre l'Inde à Dharamsala. Lors d'une interview, le karmapa lui mentionne l'existence d'êtres sensibles non humains, ne vivant pas sur la Terre. La graine germe et deux ans après, le journaliste animé par sa curiosité se plonge dans les lectures, rejetant tout ce qui relève de la théorie du complot, jusqu'à ce qu'il tombe sur livre de Marie-Thérèse de Brosse, Enquête sur les enlèvements extra-terrestres dans lequel il découvre l'existence du fondateur et responsable de l'unité psychiatrique de l'université de Harvard, également détenteur du prestigieux prix Pulitzer, le psychiatre John Mack, qui traite très sérieusement de cette question. La rencontre avec lui s'avèrera bouleversante pour Stéphane Allix qui prend conscience que le sujet est tout ce qu'il y a de plus sérieux et va alors réaliser un documentaire télé sur ce thème. Malheureusement, le psychiatre meurt un an après, renversé par un automobiliste sous l'emprise de l'alcool. Le reportage est ficelé bon an mal an et deviendra l'un des épisodes des Enquêtes Extraordinaires qui ont fait connaître le journaliste auprès du grand public.

Stéphane Allix a néanmoins eu le temps d'entrer en contact avec plusieurs "expérienceurs" aux Etats-Unis et de recueillir leur témoignage de première main. Ces personnes sont absolument saines d'esprit, expertises psychiatriques à l'appui, au-dessus de tout soupçon de psychose, et les épisodes d'enlèvement sont vécus comme des traumatismes très compliqués à gérer du fait que ça ne correspond à rien de connu et parce que personne ne croit en leurs histoires. Ce qu'elles rapportent offre à voir une trame convergente: un réveil en pleine nuit, des lumières éblouissantes dans la chambre (ou dans la voiture en pleine conduite), des petits êtres aux grand yeux en amande qui les font passer à travers les murs ou les vitres pour les "ausculter", de brefs flashs de conscience où les témoins assistent aux opérations chirurgicales. Et toujours cette prise de conscience que l'humain n'est pas très avancé technologiquement en comparaison, et que ces êtres sont probablement sur la planète depuis des siècles. L'écart vis-à-vis des personnes qui n'ont pas vécu ces expériences est tel qu'il n'existe que deux réactions possibles: la négation (ces expériences sont de nature hallucinatoire ou psychotique, ce qui n'est pas sans rappeler les expériences de mort imminente) ou l'acceptation qui s'accompagne d'une prodigieuse remise en question de la place de l'homme dans l'univers. C'est ce pas qu'a fait John Mack et qui a provoqué ce qui s'apparente à un suicide professionnel. Parfois ces témoignages sont corroborés par des voisins qui au moment des faits ont observé un ovni au-dessus de la maison des expérienceurs. Le dossier est on ne peut plus troublant.

Stéphane Allix s'aventure ensuite dans les eaux troubles et périlleuses de la physique quantique et s'en sort relativement bien en s'en tenant aux faits scientifiques sans extrapoler outre mesure, ni rentrer dans les abus coutumiers du New Age. Il s'agit simplement d'offrir une ouverture sur le fait que la réalité ultime n'est sans doute pas ce que nos sens nous en rapportent et sur le fait que ces ovnis pourraient être une occurence d'un phénomène multidimensionnel, une hypothèse largement soutenue par Jacques Vallée, l'un des pionniers de l'intelligence artificielle et de la recherche sur le phénomène ovni.

Malgré le style gonzo, j'ai bien apprécié ce livre, même si je lui ai largement préféré la lecture plus académique et exhaustive du livre de John Mack paru en 1994: Enlevés par les extra-terrestres, qui fait la part belle aux témoignages et que je recommanderais plus volontiers aux néophytes que le livre de Stéphane Allix.