31 Janvier 2023
Le thème des expériences de mort imminente (EMI) et des expériences hors du corps (EHC) m'intéresse depuis l'adolescence. J'ai moi-même vécu une sortie dans ma vingtaine consécutive à une paralysie du sommeil et je dois bien reconnaître que l'expérience est bouleversante. C'est l'une des raisons pour lesquelles je me renseigne beaucoup sur la question, notamment à travers les livres, que ce soit des témoignages ou des essais plus ou moins scientifiques. Je commence à bien connaître mon sujet. Pour autant, Marc Auburn est une personne dont j'ai seulement entendu parler la première fois vers 2020 lors de l'une ou l'autre des interviews ou conférences que j'ai écoutées pendant le confinement, et qui témoigne à la première personne de ce qu'il vit au quotidien depuis sa naissance. Son récit est assez à part dans la littérature tant il contient d'éléments absolument extraordinaires. On pourrait le rapporter à ce qu'écrivaient en leur temps Daniel Meurois et Anne Givaudan, et qui allait déjà très loin dans ce qui était proposé de croire, mais porté à la puissance 10 et à peu près intégralement dénué de notions new age. Marc Auburn est en effet au new age ce que Jean-Marc Jancovici est à l'écologie: un pragmatique doué d'aplomb qui prend la religiosité pour des enfantillages, ce qui me le rend a priori sympathique. Mais la règle de trois et l'ingénierie en moins, ce qui me gêne beaucoup plus. Car son récit est à prendre ou à laisser, sans preuves.
Tout est dans le titre: ce livre est adressé aux 0,001% de personnes qui vivent des EHC extraordinaires et pour qui ce type d'expériences est absolument banal. Et tant pis si ça ne plaît pas aux 99,999% restants, qu'ils aillent lire d'autres livres. "Ceux qui voient ces sujets en termes de croyances ne sont pas concernés par cet ouvrage." Tout est dit dès la première page. Et c'est plutôt une mauvaise nouvelle pour moi, je ne fais partie des 0,001% malgré ma petite expérience. Pour autant, je partage avec l'auteur l'idée que l'univers matériel est un tout petit sous-ensemble d'une réalité plus large, dont l'essence et l'essentiel nous échappent, et que cette réalité est peuplée de consciences plus avancées que la nôtre. C'est pourquoi j'ai passé outre les recommandations de passer mon chemin et me suis laissé emporter dans cette biographie en mettant mon jugement en veilleuse.
C'est ainsi que j'ai découvert une vision panpsychiste et séduisante du monde où tout est conscience, où l'être humain serait le fruit de manipulations génétiques exercées sur Terre par des extra-terrestres venus des étoiles voisines depuis 200.000 ans, et où chaque être conscient serait en mesure de vivre consciemment des voyages dans des plans de conscience plus ou moins élevés selon la densité de "matière epsilon" qui la constituerait. L'un des points qui m'a marqué est le fait que Marc Auburn raconte se souvenir parfaitement et dans les moindres détails de sa naissance, ainsi que de ce qui l'a précédée, dans une continuité de conscience. Il raconte aussi certains épisodes marquants de ses vies antérieures comme sa mort à Corinthe il y a 2500 ans, un monde qu'il revisite au présent suite à un voyage de vacances dans le Peloponnèse. Une autre fois, lors d'un séjour en Club Med à Cancùn, il se revoit indien Arawak, et est d'ailleurs reconnu au présent par l'un d'entre eux comme étant l'un des leurs. Une autre fois, lors d'un autre séjour à Bora-Bora, toujours en Club Med, il échange avec l'esprit de la montagne sur un ton très familier et rieur. J'ai noté aussi que les visions concernent également le futur: dans quelques siècles, la Chine dominera le monde et l'auteur sait déjà où il se réincarnera et ce qu'il y fera.
Au-delà du caractère anecdotique de cette foule de témoignages livrés un peu en vrac, Marc Auburn propose également sa vision de la réalité, des exercices pour améliorer ses capacités au voyage astral, pour réintégrer le corps, les différents types de voyages y compris dans des vies parallèles.
L'une des affirmations récurrentes de Marc Auburn est que tout ce qu'il sait, il l'a appris d'expérience directe, au travers de souvenirs fournis qui remontent à très loin (y compris dans des vies antérieures remontant jusqu'à l'antiquité pour ce qui concerne les vies terrestres) ou qui proviennent de ses voyages dans les autres dimensions. Pour autant, en opposition à d'autres qui se considèrent ouvertement comme des élus vecteurs de vérités révélées et qui adoptent la posture d'un guru sachant, l'auteur, dont le nom est un pseudonyme, vit plutôt discrètement tout en faisant commerce de stages réguliers et de lampes hypnagogiques de sa conception, qui ne sont ni les uns ni les autres particulièrement abordables. C'est un point important de la proposition que je trouve personnellement très gênant et paradoxal: comment concilier le fait de passer autant de temps dans une réalité alternative à tel point que l'on pourrait croire qu'il s'agit d'une fuite de la réalité matérielle, tout en incarnant par ailleurs autant les valeurs capitalistes ? D'autres, portés par des valeurs humanistes, comme la solidarité, l'empathie, le partage et le respect du vivant, ont choisi d'autres voies en contribuant de façon plus abordable et démocratique à la dissémination des connaissances. Certains expérienceurs comme Nicolas Fraisse se prêtent à l'expérimentation scientifique sans faire le moindre commerce de leurs capacités.
D'ailleurs, et c'est un point qui me pose vraiment problème, si ces expériences sont si faciles à vivre et à contrôler que l'on peut remplir des pages et des pages de livres (et cette remarque ne concerne pas seulement Marc Auburn, mais d'autres personnalités comme William Buhlman, Michael Raduga, Akhena aujourd'hui décédée, Daniel Meurois, le youtubeur Romain Clément ou encore Luis Minero), comment se fait-il que des expériences scientifiques d'EHC à la mise en place très simple ne soient pas d'actualité ou n'aient pas encore donné le moindre résultat probant ? Depuis les années 80, la parapsychologue Susan Blackmore elle-même expérienceuse hors-pair a mis en place de tels protocoles dans des conditions contrôlées, mais tous ont échoué, ce qui fait qu'elle est désormais l'une des plus ardentes sceptiques qui soient. Pour elle, cela ne fait aucun doute, puisqu'il ne semble pour l'heure pas possible dans un environnement contrôlé de rapporter de l'information vérifiable, ces expériences relèvent de l'hallucination. Ce qui constitue un gros point de désaccord avec l'affirmation de Marc Auburn. Une seule expérience qui réussirait mettrait pourtant tout le monde d'accord...
Quant au titre du livre qui met en avant l'expérience de la réalité, n'y a-t-il pas là un manque criant d'humilité ? J'ai un problème avec les certitudes. De l'expérience de cette seule réalité qui m'est accessible, j'ai retenu que plus j'en apprends sur le monde, plus je mesure l'étendue abyssale de ce que j'ignore, et plus je devine que ce que j'ignore ignorer doit être littéralement incommensurable. Je doute beaucoup des personnes qui ne doutent pas ou qui doutent peu. J'ai peut-être tort. Je fais ce que je peux avec ce que je suis et ce que j'ai. Je choisis donc de rester du côté de la science, une science que d'aucuns considèrent chez moi comme déjà largement perméable à l'inexpliqué. Et je classe 0,001%, l'expérience de la réalité au rayon contes et légendes. Jusqu'à preuve du contraire!
0,001% L'EXPERIENCE DE LA RÉALITÉ
0,001% d'entre nous se sont affranchis des systèmes de croyance proposés par l'éducation, la culture, les médias, les religions, pour accéder à la connaissance de qui nous sommes en réalité...
https://www.editions-atlantes.fr/produit/0001-lexperience-de-la-realite/