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TélescoPages

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Jacques Vallée, Paola Harris - Trinity, le secret le mieux gardé

Trinity est le nom de code du projet de recherche aboutissant à la première explosion d'une bombe nucléaire le 16 juillet 1945, non loin de Socorro dans l'état du Nouveau Mexique. Les livres d'histoire en parlent avec pudeur comme d'un test qui venait finaliser le projet Manhattan mené par Robert Oppenheimer et par les meilleurs physiciens de la planète depuis le laboratoire de Los Alamos. En réalité, il s'agissait d'une authentique explosion grandeur nature, d'une force équivalente à celle d'Hiroshima et de Nagasaki. Cette bombe a explosé dans le plus grand secret, au sol, ce qui a eu pour effet de projeter des débris radioactifs à des dizaines de kilomètres à la ronde, une radioactivité dont les habitants des villages environnants, fermiers, ranchers pour la plupart, ont eu à souffrir les conséquences sans la moindre compensation de l'état fédéral. La puissance de cette explosion était telle qu'elle est à l'origine d'une pierre appelée trinitite, fruit de la température extrême appliquée au sable, lequel a été immédiatement vaporisé, emporté dans le nuage atomique puis recondensé en une pluie de verre de couleur verte. C'est en raison de cet effet que l'on parle de vitrification nucléaire. Comme Oppenheimer lui-même en avait l'intuition lorsqu'il a vu la bombe exploser, il y avait un avant et il y aurait un après. Après Trinity, le monde ne serait plus jamais le même.

Deux explosions plus tard et la capitulation sans conditions du Japon, des phénomènes étranges commencent à être rapportés par des habitants au Nouveau-Mexique et dans les états voisins. Des objets aux caractéristiques de vol inconnues jusqu'alors font leur apparition dans le ciel. En 1945, le phénomène OVNI n'existe pas encore dans l'imaginaire collectif, Kenneth Arnold ne témoignera de son expérience que deux ans plus tard utilisant pour la première fois le terme "soucoupe volante" qui donnera lieu à une flambée d'intérêt aux Etats-Unis puis dans le monde entier. L'incident de Roswell sera le point de départ d'une histoire qui clivera le monde en deux camps pendant 70 ans: les croyants et les sceptiques, et qui connaîtra un nouveau souffle en 2017 avec la publication de trois vidéos captées depuis des radars d'avions de la Navy. Après avoir nié et ridiculisé le phénomène, les autorités américaines sont en train de reconnaître son existence et envisagent sérieusement de l'étudier scientifiquement, en dehors de programmes tenus secrets (AAWSAP, AATIP). Mais revenons en arrière.

L'un des acteurs principaux de l'étude sérieuse du phénomène OVNI est Jacques Vallée, un astrophysicien et docteur français en informatique et intelligence artificielle, à l'origine de la première cartographie de la planète Mars, et figure de proue du projet Blue Book aux côtés de l'astrophysicien Allen Hynek, un projet en charge d'étudier le phénomène de 1952 à 1969 et ayant conclu que sur plusieurs milliers de cas, un peu plus de 5% d'entre eux restaient inexpliqués malgré la ferme volonté de trouver des explications à tout prix, quitte à qui arpenter allègrement les territoires du ridicule. A la fin du projet, Jacques Vallée a mené une double vie: d'un côté, pionnier de l'internet (et notamment à l'origine de la première messagerie en ligne instantanée: PLANET), de l'autre, enquêteur dans le domaine des OVNIs en version statisticien informatique. Son projet était de construire un modèle informatique à partir des données déjà recueillies. Ayant rejoint le monde des investisseurs des premières startups au début des années 1980, il y est toujours à 82 ans une figure importante en 2021, désormais investisseur dans des sociétés dont l'objectif est d'analyser les méta-matériaux, ces échantillons supposément recueillis lors de crashs d'ovnis. Anecdote: Jacques Vallée est celui qui a inspiré à Steven Spielberg le personnage du chercheur français dans le film "Rencontres du troisième type". Dans l'univers folklorique de l'ufologie, il est l'une des personnes - si ce n'est la seule - qui n'a jamais été considérée de près ou de loin comme quelqu'un de loufoque. Sa réputation est restée impeccable en dépit du ridicule qui a longtemps entouré le sujet.

Une semaine donc après l'explosion de Nagasaki, le 16 août 1945, deux enfants de 7 et 9 ans qui travaillent dans un ranch, Rémé Baca et José Padilla entendent le bruit d'une énorme explosion et aperçoivent un gigantesque flash lumineux. Il pleut et il y a de l'orage. Ils se rendent sur les lieux d'où semble être venu le bruit et découvrent un objet métallique en forme d'avocat planté dans le sol, au bout d'une tranchée creusée dans le sol sur des dizaines de mètres. Ils aperçoivent autour de cet objet trois petits êtres qualifiés tantôt d'hommes, tantôt de mantes religieuses avec de grands yeux en amande, qui semblent en panique et émettent des cris comme des couinements de lapin. Les enfants restent cachés plus d'une heure à les observer, se font repérer par les êtres et ressentent une immense empathie pour eux, une empathie qui ne les lâchera plus jamais pour le reste de leur vie. Ayant prévenu leur père et les autorités, ils retournent sur le site pendant encore 9 jours et assistent à la récupération de l'objet (très amateur) par l'armée. A l'époque, l'explication officielle est la chute d'un ballon-sonde, et les militaires sur place semblent ne porter à peu près aucun intérêt à l'engin. Le dernier jour, l'un des enfants profite de l'absence des soldats pour rentrer à l'intérieur de l'objet et arracher un bout de métal qui pend d'une des parois. Puis l'objet est emmené, et quelques années plus tard, le lieu sera sujet à un ensevelissement total et à un accès restreint surveillé par des militaires.

Ce témoignage serait resté complètement dans l'oubli si l'aléatoire ne s'en était pas mêlé. Les deux enfants ayant grandi et fait chacun leur vie loin l'un de l'autre, ils se sont retrouvés au hasard d'une recherche généalogique et ont alors évoqué leurs souvenirs avec un ami, qui fit publier leur histoire dans un journal local. L'article, repéré par un enquêteur en ufologie est cité dans un livre que la journaliste Paola Harris lit. Elle décide alors en 2013 d'aller sur place retrouver les deux amis devenus septuagénaires et commence une série d'entretiens dont elle parlera à Jacques Vallée en 2019, qui se joint alors à l'enquête. Entre temps, Rémé est décédé, mais José qui est toujours là dispose de souvenirs très clairs qui font énormément avancer les recherches. Ayant prélevé un échantillon du métal récupéré sur l'objet, Jacques Vallée n'y trouvera rien de particulièrement exotique. En dépit de cela, après ces séries d'entretiens, les deux enquêteurs sont absolument convaincus qu'il s'est réellement passé quelque chose. Rémé et José parlent en effet d'un métal qui a toutes les caractéristiques d'un métal à mémoire de forme, or en 1945, un tel métal n'existait tout simplement pas. Ils parlent également de "fils d'ange" récupérés sur le lieu de l'explosion, qui produisaient de la lumière dans le noir et qui piquaient les doigts au moindre contact. Au village de San Antonito, ces fils d'ange ont été partagés entre les villageois pour servir pendant des années... de décorations de Noël! Il est aussi question de petites pyramides en métal qui restent froides même lorsqu'elles restent en plein soleil. Un tel métal n'existe tout simplement pas. Enfin, il est aussi fait mention des trois êtres en quête de l'objet prélevé par les enfants qui s'introduisent dans la chambre d'un des employés du ranch en traversant le mur.

Malheureusement, il s'est passé 76 ans depuis l'incident et tous ces objets ont été perdus ce qui laisse les enquêteurs sur leur faim tant le seul accès à l'un de ces artefacts aurait suffit à apporter des preuves matérielles. Mais dans le domaine des OVNIs, l'élusivité est omniprésente.

J'ai assez aimé ce livre dans le sens qu'il apporte un nouveau témoignage à l'impact potentiellement énorme, un crash plus important que Roswell (qui a eu également lieu au Nouveau-Mexique, non loin de Socorro) et antérieur de deux ans, intimement relié à l'explosion nucléaire et qui invite à une relecture de l'histoire de l'ufologie. D'ailleurs, un lien semble clairement établi au niveau statistique entre les sites nucléaires et les apparitions d'objets. Présenté sous forme d'interviews verbatim des protagonistes en alternance avec les réflexions des deux auteurs, il y a de faux-airs de gonzo-journalisme. Jacques Vallée est impressionnant dans sa capacité à conduire des enquêtes de terrain à 80 ans passés et dans un respect immense pour les témoins!

En revanche, et c'est un point qui me dérange beaucoup, le livre est très mal traduit en français. À telle enseigne que j'aurais préféré le lire en anglais et que j'en recommande la lecture en version originale à ceux qui connaissent suffisamment l'anglais. D'autre part, dans les interviews de Jacques Vallée que j'ai pu écouter, notamment chez Joe Rogan, il parle de publication de résultats d'études moléculaire sur plus d'une vingtaine d'échantillons à venir dans ce livre, et le moins que l'on puisse dire, c'est que cet aspect est très légèrement abordé. Rien de révolutionnaire, au contraire. Tous les échantillons qu'il a pu étudier semblent parfaitement terrestres. Je n'ai pas retrouvé la moindre mention de ce fameux alliage qui aurait coûté des milliards à produire (interview Joe Rogan). Compte tenu de l'omniprésence de l'anecdotique vis-à-vis du factuel, il n'est pas impossible qu'en fait, ce livre ait été plus écrit par Paola Harris que par lui. Du point de vue des faits, Trinity - Le secret le mieux gardé est plus un pétard mouillé qu'autre chose, et c'est un peu décevant. Je m'attendais à mieux de ce côté. Je suis donc d'un enthousiasme mitigé.

Jacques Vallée, Paola Harris - Trinity, le secret le mieux gardé
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