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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Marie Mangez - Le parfum des cendres

C'est lors du premier confinement de 2020 que le covid a frappé Marie Mangez et lui a fait perdre odorat et goût sur une période de plusieurs semaines, lui faisant réaliser au passage l'importance des sens dans la perception du monde. Intéressée depuis l'adolescence par l'univers olfactif, essentiellement sur le plan littéraire et esthétique, elle a adoré Le parfum de Patrick Süskind lu à l'adolescence, ainsi que Le miasme et la jonquille d'Alain Corbin. À quelque chose, malheur est bon. Dans cette ambiance de décompte macabre covidien et quotidien, Marie Mangez se lance à corps perdu dans l'écriture de son premier livre, Le parfum des cendres. Deux mois plus tard, au sortir du confinement, le premier jet est terminé.

L'histoire a pour décor la ville de Grasse, la capitale des parfums - un clin d'oeil assumé à Patrick Süskind - et particulièrement un centre de thanatopraxie où travaille Sylvain Bragonard (en référence à la parfumerie Fragonard ?), un homme de 37 ans dont la profession consiste à embaumer les cadavres afin de les rendre présentables une dernière fois à leurs proches. La particularité de Sylvain est qu'il est capable de restituer le parfum du vivant à ces décédés. Car sa vocation première était de devenir nez, c'est-à-dire créateur de parfums. Mais après des études en chimie réussies, et une belle histoire d'amour avec Ju', une punkette qui bouffe les syllabes comme elle bouffe la vie, c'est-à-dire avec excès, le destin en décide autrement et quelque chose en lui se brise. Il s'éteint et devient le fantôme de lui-même. Les quinze années suivantes sont passées à préparer les morts, dans le silence, le froid et la solitude du "trou noir peuplé de cadavres" où il officie, en combinant les essences de façon absolument virtuose.

Mais un jour, surgie de nulle part, arrive une jeune fille, Alice "Kekchose", doctorante qui travaille sur une thèse sur les thanatopracteurs. Alice est l'opposé diamétral de Sylvain. Pleine de vie, bavarde, spontanée et d'une mélomanie éclectique qui la voit passer sans transition des Doors à Chapelier Fou en passant par Beethoven, Cloclo, Simon et Garfunkel, elle va casser la routine avec ses manières de bulldozer, et tenter de percer le mystère de cet embaumeur incroyablement doué avec les parfums mais taiseux, fuyant et parfaitement inadapté à la vie sociale.

Il y a un peu de La jeune fille et la mort dans cette histoire, tant il s'agit d'une danse entre les deux personnages principaux. Par moments, on entendrait presque la tarentelle de Schubert, mais cette musique est recouverte par les guitares et les voix de The Funeral, une chanson de Band of Horses, qui revient régulièrement dans la playlist d'Alice.

Je ne sais pas si c'est parce qu'il s'agit d'un premier roman mais j'ai trouvé le style de plus en plus maîtrisé et profond au fur et à mesure de la lecture, un peu comme si l'écriture accompagnait l'histoire. Partant d'un ton très léger et adolescent, avec une écriture empreinte du registre oral, les choses changent tandis que l'intrigue s'épaissit, que l'on plonge dans le passé et les profondeurs des protagonistes et que la synesthésie s'installe. Ainsi, j'ai largement préféré la deuxième partie, plus maîtrisée, et je n'ai plus pu lâcher le livre jusqu'à la fin et ses ultimes rebondissements.

L'ancien grassois fils de parfumeuse que je suis a apprécié, notamment à travers les multiples emprunts au vocabulaire de la parfumerie qui faisaient le quotidien des conversations de mon enfance.

Marie Mangez - Le parfum des cendres
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