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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

Marifrance Maisonneuve - Ces clins d'oeil de l'invisible

J'ai rencontré Marifrance Maisonneuve au festival Anomalies au printemps 2025. Après une discussion où nous avons parlé d'expériences exceptionnelles, j'ai acheté Ces clins d'oeil de l'invisible, paru en 2024 aux éditions L'Alchimiste. Puis je me suis plongé dans ce journal de bord d'une vie présentée comme "banale" mais où il semblerait que le paranormal ait opéré quelques incursions.

L'une d'entre elles - et non des moindres - est cette force qui habita sa mère pendant un bombardement durant la seconde guerre mondiale, et qui l'empêcha d'entrer chez elle afin de se protéger pour se diriger plutôt chez des voisins. Le lendemain, un trou béant avait remplacé l'intérieur de la maison, détruite par une bombe. Une histoire qui tient lieu de mythe fondateur familial. Sans cette force intuitive, Marifrance Maisonneuve ne serait pas de ce monde.

Lorsque la petite voix se manifeste pour la première fois, elle a 17 ans et prépare le bac. Saturée et stressée comme le sont souvent les élèves en plein bachotage, arrive ce moment fatal où elle n'arrive plus à ingérer ses leçons d'histoire-géographie. Cette petite voix lui susurre de ne pas se faire de souci. D'abord réticente, elle finit par s'y abandonner. Le lendemain, elle tire du chapeau de l'examinateur un sujet qui était au programme du premier trimestre, et qu'elle maîtrise. Message significatif réel ou halluciné par la fatigue ? Il n'est pas possible de trancher mais il se trouve que cette anecdote m'en rappelle une similaire que j'ai vécue l'année de mes 15 ans pour l'épreuve du bac de français. En préparant l'oral avec mes trois meilleurs amis chez moi, nous recueillons une pie trempée par le déluge à l'extérieur. Déjà, en soi, cette apparition n'est pas banale. Mais une fois sèche et ayant retrouvé la capacité de voler dans le salon, voilà que cette pie passe au-dessus de moi et lâche une fiente sur l'extrait de texte que j'étais en train de réviser. Foin de suspense, ce sujet a été celui sur lequel j'ai été interrogé le lendemain et pour lequel j'ai obtenu un beau 18/20. Tout cela n'est peut-être qu'une spectaculaire coïncidence mais je trouve assez poétique d'imaginer que ce soit un peu plus que le fruit d'un hasard heureux. Pour moi, le message est significatif et réel tant l'enchaînement de circonstances est improbable.

Une autre fois, âgée de 21 ans, elle rend visite à l'hôpital où son père est plongé dans le coma depuis quatre jours suite à une rupture d'anévrisme. Alors qu'il vit ses derniers instants, celui-ci se redresse soudainement, et contre toute attente, appelle sa femme puis se rallonge. La mère de Marifrance Maisonneuve lui parle doucement et c'est dans ces circonstances particulières que son père quitte la vie. Cette expérience est connue depuis peu en psychologie sous le nom de lucidité terminale et pour l'heure, il est difficile de l'expliquer rationnellement. C'est un peu comme si la conscience était capable de reprendre le contrôle du corps mais pour un temps très limité, quel que soit l'état du cerveau. Maryne Mutis, une scientifique de Nancy, en a fait son sujet d'étude principal au point de publier la toute première thèse au monde sur ce thème pour son doctorat. L'expérience n'est pas banale, elle marque la jeune fille qui comprend intuitivement qu'il s'agit d'une anomalie, peut-être en lien avec l'invisible.

Ces quelques expériences, parmi d'autres décrites dans le livre, montrent comment l'exceptionnel peut venir se mêler à l'ordinaire. Bien entendu, il est tout à fait possible de considérer chacune de ces occurrences comme un coïncidence, et comme les sceptiques n'hésitent pas à le rappeler en ces circonstances, il n'est pas exceptionnel que l'exceptionnel frappe à la porte plusieurs fois dans nos vies de la sorte. Le contraire serait étonnant même. Et pourtant, lorsqu'on les vit à la première personne, lorsque l'on prend des décisions sur la base de tels événements interprétés comme des signes, et que cela change le destin (comme lorsqu'elle croise la route du prédateur sexuel meurtrier Michel Fourniret et qu'elle décide de ne pas le suivre se fiant plus ou moins consciemment à une expérience passée sans aucun lien) c'est le réel qui change de nature, qui devient vivant. C'est le mystère qui prend corps. Certes, cela peut vite tourner à la superstition, mais, comme souvent, tout est question de mesure.

Quelles formes différentes peuvent prendre ces clins d'oeil porteurs de sens si déroutants ? Marifrance Maisonneuve cite évidemment les synchronicités chères à Carl Jung, mais également les songes, ces rêves à la densité si particulière qui lui annoncent avec leur langage symbolique des événements à venir (comme un bébé grand prématuré), les voix venues de nulle part, les paréidolies, les flashes qui ressemblent à de la médiumnité... Et il y a ces animaux récurrents, comme cette libellule ou cet oiseau aux ailes vertes, vecteurs de sens, messagers malgré eux. Bien que leur origine soit mystérieuse, la fonction de ces clins d'oeil ne semble pas être de faire plonger la personne qui les reçoit dans le délire mystique. Au contraire s'agit-il simplement de montrer que le monde est un peu plus grand qu'il ne le laisse entrevoir, et que l'invisible est peut-être accessible pour tous par l'un de ces rendez-vous simples dont il a le secret.

Je me suis laissé emporter dans cette vie de coïncidences porteuses de sens et ai apprécié Ces clins d'oeil de l'invisible, d'autant plus que j'ai vécu un certain nombre de tels hasards signifiants moi-même de sorte que cela résonne, qu'il m'est possible de m'identifier à ce parcours. Et ce qui ne gâche rien, c'est que Marifrance Maisonneuve, qui aime tant les oiseaux et leur langue, est elle-même ce que l'on appelle une belle plume, ce qui au sens ajoute le plaisir de la lecture.

Marifrance Maisonneuve - Ces clins d'oeil de l'invisible
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