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TélescoPages

Un espace dédié à la musique, à la littérature, à la science, à la conscience, et au-delà

De l'avantage d'être musicien, vote RN et morosité

L'avantage d'être musicien, c'est que c'est un excellent vaccin contre la peur de l'autre, vous savez, cette peur qui amène à la xénophobie et au repli sur soi, celle qui donne envie de voter pour l'extrême-droite, celle qui nous fait jouir de l'atmosphère d'entre-deux-guerres. La musique s'enrichit perpétuellement du métissage, tout en ayant les deux pieds dans la tradition. Pour moi qui touche un peu à tout en musique depuis plus de 30 ans, tout en n'étant véritablement bon en rien, c'est un point privilégié sur ce que l'humain a de mieux à montrer. La musique a été la première à donner une place de choix aux Noirs quand les USA pratiquaient le racisme d'état, et on mesure plus de 100 ans après l'importance de cette intégration. Le classique a intégré lui aussi les styles et métriques des autres pays, notamment de l'Est de l'Europe à des époques où les guerres étaient pourtant assez récurrentes. Nos archennemis les Anglais ont piqué des danses aux Français. Le jazz a donné le micro aux communautés manouches, aux Sud-Américains, aux Cubains, au flamenco. Les grands-parents du rock et de la pop sont noirs. Les Beatles se sont métissés avec l'Inde. La musique irlandaise a contaminé le monde. Depuis quelques années, le Japon et la Corée apportent leur identité au son pop.
Les musiques traditionnelles n'ont pourtant jamais été autant en si parfaite santé. Il est donc tout à fait possible que tradition et métissage cohabitent et s'enrichissent mutuellement. N'ayons donc pas peur de la diversité culturelle !
Ce qui est amusant, c'est que les musicologues ont largement documenté l'ADN des musiques et qu'il est évident d'établir un parallèle avec l'ADN de l'humanité. Un simple test médical nous permet désormais de prendre conscience qu'il n'y a aucune réalité scientifique à aucune nationalité dite "de souche". Nous sommes toutes et tous issus des mélanges, des mouvements naturels de populations. La musique a l'avantage d'offrir une langue unique construite sur un alphabet simple et une grammaire élaborée, et surtout une infinité d'accents pour l'exprimer !
Le repli sur soi relève de la peur et de la pulsion de mort. Ce n'est pas pour rien que le repli sur soi est à peu près toujours suivi d'une décadence ou d'un effondrement, l'évolution a besoin de diversité. Et au temps de la globalisation, de la mondialisation de tout, la notion de frontière perd de plus en plus son sens. L'humain est une seule et unique race et nous partageons une seule et unique planète. Cessons de préjuger de l'autre et comportons-nous comme des musiciens, tendanciellement dans l'ouverture, et arrêtons de voter pour la peur. Travaillons sur nous-mêmes au lieu de vouloir que l'autre change pour devenir comme nous.
J'aime la France, mais j'y suis né par hasard. J'aurais pu naître dans une favela de Rio de Janeiro, au Rwanda dans les années 90, ou à Leidenstadt en 1917, j'aurais tout aussi pu naître avec un autre sexe, une autre couleur de peau, à une autre époque, avec beaucoup moins de privilèges. J'aurais pu naître sous les bombes gorgé du cortisol de ma maman. Je mesure ma chance. Et je mesure la chance que ces autres, ces "étrangers", n'ont pas forcément eue. La musique m'a appris à écouter ces autres et à découvrir leurs richesses, leurs histoires, à m'en émouvoir, pour constater que finalement, autrui, c'est moi à 99,99%.
Alors, plutôt que de chercher des poux dans la tête des étrangers, plutôt que de pointer du doigt les boucs émissaires du lieu et du moment, intéressons-nous plutôt aux racines de notre colère. Pour ma part, je vois les inégalités se creuser, les très riches devenir chaque année obscènement plus riches, les plus pauvres devenir chaque année inhumainement plus pauvres et plus nombreux. Je vois le vivant et sa diversité dispaître, exterminés par nos styles de vie de plus en plus énergivores. Je vois le climat se dérégler pour les mêmes raisons. Il n'y a aucune idéologie là-dedans, c'est un constat, c'est factuel. Et si la musique peut nous aider à momentanément supporter les difficultés et les ventres vides, la colère ne doit pas être dirigée comme ces autres nous-mêmes parce qu'ils ne sont pas pour grand chose dans nos malheurs.
En musique, il va de soi que nous soeurs et frères. Seuls face à nous-mêmes dans la difficulté à progresser sur nos instruments, c'est l'expérience de groupe qui nous édifie, c'est la diversité, le métissage.
C'est pourquoi les résultats des élections législatives de ce jour me désespèrent. Ils sont pour moi la défaite de la pensée complexe, la victoire de la peur, du mépris et de la division orchestralement instillée par les instances au pouvoir et par leurs réseaux. Diviser pour mieux régner, c'est vieux comme le monde, et ça marche encore.
Ce soir, je suis morose et je n'ai pas envie de chanter...
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